IUFM Nord-Pas de Calais
Centre de LILLE, Département : Nord

APPORT D'UNE FORMATION THEATRALE A

LA PEDAGOGIE AU SEIN D'UNE CLASSE

Mémoire professionnel présenté par : Mme Thery Agnès

Sous la direction de : Monsieur DAUZET

Année de soutenance : 1993

 

"Aucun don n'existe sans travail ..."

Gérard Philipe , T.N.P.


RESUME ET MOTS CLES

Résumé informatif

Les résultats d'entretiens et d'enquêtes auprès des différents partenaires du système éducatif montrent qu'il existe de réelles difficultés de prestation du professeur dans son rôle. Nous avons pu constater que des problèmes similaires étaient traités et résolus dans le monde théâtral, par des exercices exécutés par les comédiens. Ce travail propose donc des essais de solution pour remédier aux difficultés parasites, de voix, de gestuelle, de gestion de l'espace, tout en étant conscient des limites des méthodes proposées.

Les mots clés

Théâtre, voix, gestuelle, gestion de l'espace.
Rôle, prestation, image, théâtralisation.


SOMMAIRE

Introduction: définir le sujet
motivation
pourquoi présenter un mémoire seule
choix de la classe de seconde

Problématique

Intuition à priori

A - La recherche de témoignages pertinents

I - Méthodologie adoptée

II - Enquête auprès d'une classe de seconde

1 - La note aux élèves

2 - Réponses aux questionnaires

a - Question n°1

b - Question n°2

c - Question n°3

d - Question n°4 et 5

e - Question n°6

f - Question n°7

g - Question n°8

III - Entretien avec Monsieur Decoffe, phoniatre

IV - Entretien avec un professeur d'expérience :
Monsieur Lauwarier

V - Entretiens avec des professeurs stagiaires

VI - Entretien avec un acteur, metteur en scène :
Daniel Mesguich

VII - Réflexions d'un comédien :
Louis Jouvet.

VIII - Le bilan de la situation.

B - Les propositions

I - Propositions sur la voix

1 - Qu'est-ce-que la voix

a - Les paramètres de la voix

b - La fonction vocale

2 - Les dysfonctionnements de la voix

a - Le cri

b - Le "coup de glotte"

c - La durée de la voix

d - La mauvaise utilisation des cavités de
résonance

3 - Les remèdes

a - Le travail de la respiration

b - Le travail des résonateurs

c - Les autres facteurs non négligeables
intervenant sur la voix.

II - Propositions sur la gestuelle.

1 - Qu'est-ce-que le geste

2 - Les remèdes

a - La prise de conscience du corps

b - Le travail de la posture

c - Les membres supérieurs

III - La gestion de l'espace

IV - La théâtralisation de cours.

1 - Le public

2 - L'image du professeur

3 - L'effet de scène

4 - La gestion de l'imprévisible

 

V - Les limites

1 - Limite de voix

2 - Limite de la gestuelle

3 - Limite de la théâtralisation du cours

Conclusion

Bibliographie

Annexes


De même dans une classe, il n'est pas besoin d'être grand et fort pour obtenir la discipline. De petites femmes ont déjà été redoutées par les classes chahuteuses parce qu'elles étaient bien installées dans leur rôle.

 

- "Le pouvoir d'aimantation entre le public et la représentation est comme en physique en rapport inverse de la distance."

Le contact avec les élèves est meilleur lorsque nous sommes avec eux. Ils savent que nous ne les redoutons pas. Nous leur semblons aussi plus accessibles.

- "Et si je vous demandais maintenant quel est le nom de celui qui a la charge d'âme et d'esprit, celui dont le soucis est la grandeur [...], l'intelligence publique, l'éducation du peuple..."

On penserait que Louis Jouvet parle du professeur, tant cette définition lui correspond; mais c'est le meneur de troupe qu'il décrit ici.

 

Enfin j'achèverai, sans la commenter, sur cette citation:

"Toute foule humaine, communauté, groupe qui connait son premier conducteur, son premier soliste est une cellule de théâtre [...]
Dans les manifestations de cet échange entre le groupe et son chef se trouve reformé le dialogue théâtral."

 

VIII - Bilan de la situation

Il se dégage donc un parallèle très net entre le professeur, face aux élèves et le comédien face au public.

De plus, nous avons pu constater que quelques professeurs notamment stagiaires, rencontraient des difficultés ne relevant ni des connaissances, ni de la progression pédagogique.

Il s'agit des problèmes de:

voix

gestuelle

gestion de l'espace

théatralisation du cours

Je vais à présent essayer de proposer des solutions.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

B - LES PROPOSITIONS

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 


I - Propositions sur la voix

1 - Qu'est - ce - que la voix ?

Au départ, il y eu le cri, chez les primates puis le passage à la position debout libère le larynx et laisse place à la voix, à la parole, au langage.

 

a - Les paramètres de la voix

La voix relève d'un certain nombre de paramètres physiques, anatomo-physiologiques, psychologiques, sociologiques, que je me propose de vous exposer.

Les caractères physiques sont : - la hauteur
- l'intensité
- le timbre
- la durée

Tous quatre sont mesurables, précisément

La hauteur de la voix est définie par rapport à l'oreille absolue.

L'intensité peut-être mesurée par un sonomètre. Elle définit trois types de voix :

-la voix chuchotée
-la voix de conversation
-la voix projetée, utilisée couramment par un professeur lors d'un cours.

Cette voix projetée est en moyenne située 20 décibels au-dessus de la voix de conversation, ce qui correspond environ à 80 décibels pour un mètre.

Le timbre: il est en rapport avec les harmoniques composant la voix (annexe 3 ). C'est la signature d'une voix, ce qui la rend unique. Il est très courant que deux personnes aient la même hauteur de voix, mais elles n'ont jamais le même timbre.

La durée: c'est la façon de gérer la voix dans le temps. Elle est étroitement liée à la respiration.


b - La fonction vocale

De nombreux organes interviennent dans la phonation et notamment un nombre incalculable de muscle. Par exemple la langue est composée de 17 muscles à elle seule. C'est pourquoi il est plus facile de se référer à un instrument de musique. ( annexe 4).
Cet instrument de musique est à vent et non à cordes malgré le nom ambigu donné aux cordes vocales.

Comment se crée le son ?

Il y a d'abord l'énergie de la voix créée dans notre instrument (annexe 4 ), par la poire, c'est le sac à air . Chez l'homme c'est la cage thoracique avec les poumons à l'inspiration.

La main entourant la poire peut être assimilée au squelette et aux muscles. Le pouce reste fixe, il joue alors le rôle de la colonne vertébrale. Les autres doigts, véritable moteur de la pression exercée sur la poire peuvent être assimilés au diaphragme et aux muscles expiratoires de la cage thoracique. Nous pouvons donc obtenir l'expiration, qui va définir l'intensité de la voix . Mais cette expiration seule ne suffit pas à avoir formation d'une voix. Il manque la vibration .

Cette vibration est due à un rétrécissement de la colonne d'air ( annexe 4 ) au niveau de la trachée . La colonne d'air se dépassant heurte un obstacle, une anche dans le cas de notre klaxon, les cordes vocales (détail annexe 5 ) chez l'homme.

Que se passe-t-il alors ?

La colonne d'air jusqu'à présent uniforme se cisaille.

Mais quel est ce processus de cisaillement ?

Les cordes vocales, vues de face (annexe 6, document 1), se présentent comme deux muscles plats et allongés, ayant une tendance naturelle à se refermer . Nous pouvons modéliser ces cordes vocales suivant la représentation schématique de la théorie myoclassique (annexe 6, document 2 ) . La colonne d'air se heurte donc à cette paroi . La pression augmente tant et si bien qu'elle devient supérieure à la tension d'accolement des cordes vocales . Il y a ouverture . La pression diminue , les cordes vocales se referment, jusqu'à ce que la pression de l'air pulmonaire augmente à nouveau.

C'est cette suite d'ouvertures et de fermetures ( annexe 7 )qui donne l'ondulation. Elle est simple de principe, puisqu'elle est régie par la loi de Bernoulli. Cette mise en ondulation nous permet d'obtenir le son fondamental ( annexe 4 ) définissant la hauteur de la voix .

 

Nous obtenons donc la voix fondamentale mais les harmoniques composant le timbre (annexe 4 ), la couleur de la voix, ne sont toujours pas là . Il faut, pour les voir apparaître, qu'il y ait résonance du son, au niveau des cavités du crâne .
La forme, le volume de ces cavités étant différents d'une personne à l'autre suivant la conformation du crâne, il est bien évident qu'au même fondamental, correspondent des harmoniques différentes.

La voix possède donc un fonctionnement complexe . Nous pouvons alors supposer que ses dysfonctionnements sont courants et extrêmement variés .

 

2 - Les dysfonctionnements de la voix

a - Le cri

Dans une classe agitée, bruyante, ou tout simplement très vaste, un enseignant devant son public a une tendance naturelle à forcer sa voix .

Que ce passe-t-il alors ?

Il y a contraction de l'ensemble des muscles de la gorge . Les cordes vocales se tendent, ce qui a pour conséquence de porter la voix dans le registre des aigus . La voix ne devient pas pour autant plus forte, bien au contraire, puisqu'une partie des résonateurs reste bloquée: une partie des harmoniques de la voix disparaît . La voix diminue en intensité perd de sa compréhension et devient terne . L'effet de monter dans le registre des aigus est, de plus, pour beaucoup de personnes particulièrement irritant.

Pour le professeur, à court terme, il y a mal de gorge ou aphonie. A long terme, il y a formation de polypes ou de nodules sur les cordes vocales . Ceux-ci nécessitent l'opération chirurgicale .

il peut se produire aussi des laryngites à répétition, sur lesquelles les antibiotiques n'ont aucun effet; ou encore des voix bitonnales, qui correspondent à une fatigue d'une seule corde vocale provoquant un décalage dans la vibration .

b - le "coup de glotte"

Ce que les spécialistes de la voix appellent le "coup de glotte", résulte d'une façon très sèche de parler . Là encore il y a contracture des muscles du cou . Les voyelles sont coupantes et non coulantes .
Ces "coups de glotte" sont caractéristiques sur les "a" .Le sujet y associe une respiration par la bouche qui dessèche particulièrement les cordes vocales . Ce que tout professionnel de la voix doit éviter . Là encore, il peut y avoir formation de nodules opérables .

 

c - La durée de la voix

Certains professeurs selon les élèves, s'expriment de manière hachée . D'ailleurs, des stagiaires reconnaissent eux-mêmes devoir s'interrompre en milieu de phrase, pour pouvoir respirer . Il s'agit tout simplement d'une mauvaise gestion de la durée de l'expiration. Le discours devient alors difficile à suivre. Ces problèmes sont facilement décelables à partir d'exercices.

 

L'exercice du "a":

A une profonde inspiration, nous plaçons un "a" sur l'expiration . Il doit durer 15 à 20 secondes. Un "c" lui doit se prolonger pendant au moins 20 secondes . Si ces temps ne sont pas réalisés, la gestion du souffle est mauvaise

 

d - La mauvaise utilisation des cavités de résonance

La mauvaise utilisation des cavités de résonance à pour conséquence de diminuer les harmoniques de la voix . Celle-ci devient terne, monotone, et extrêmement lassante. La voix peut également devenir nasale : le voile du palais ne se referme pas, et même pour les "ch", "m", "b", la cavité nasale vibre.

 

Voici ici cernés les principaux problèmes de la voix, mais voyons concrètement comment y remédier.


3 - Les remèdes

a - Le travail de la respiration

Ce travail de la respiration peut résoudre les trois premiers problèmes, c'est à dire:

- acquérir une puissance vocale.
- éviter les "coups de glotte".
- gérer son souffle.

La respiration est un élément naturel, vital. L'inspiration est volontaire. L'expiration passive est obtenue par relâchement des muscles préalablement contractés. Lors de la phonation, l'expiration doit devenir active et l'inspiration courte , silencieuse.

En fait, le système doit fonctionner à l'envers.

La respiration ne doit pas se faire en montant les épaules et en rentrant le ventre, car le souffle est alors coupé. La cage thoracique ne peut pas se remplir. Le souffle à disposition diminue. C'est alors que l'on augmente le débit verbal, pour arriver à finir sa phase,et que l'on tire sur les cordes vocales.

Il faut donc apprendre à respirer. La respiration thoracique habituelle doit devenir abdomino-thoracique. L'adulte doit retrouver la respiration "par le ventre" qu'il développait dans son enfance.

Pour cela un certain nombre d'exercices existe. Au départ, ce sont des exercices d'acteurs et de chanteurs que les phoniatres appliquent aux enseignants. Je vous en propose un, à titre d'exemple.

 

Retrouver la respiration abdominale :

Debout, je place mon corps droit, et mes mains sur le ventre . Je détends bien mes épaules, puis je souffle en serrant énergiquement les muscles de l'abdomen. A l'inspiration je laisse rentrer l'air, le ventre se détend. Le mouvement du souffle doit être contrôlé, je peux m'aider de mes mains.

 

Une fois cette respiration contrôlée acquise, il faut décontracter l'appareil vocal pour placer correctement la voix. Celle - ci ne fuira plus dans les aigus


Exercice de détente de l'appareil vocal:

Je ramène la pointe de la langue derrière les dents de la mâchoire supérieure, puis la déplace vers le fond de la cavité buccale. Je reviens en sens inverse. J'exécute le même mouvement en suivant l'axe médian du palais. Je reprends l'exercice au départ.

La bouche est alors détendue et la voix se place à sa hauteur véritable, sans crispation.

Il nous reste maintenant à placer la voix sur le souffle pour lui donner plus de portée.

 

Exercice: le travail sur le "o"

Je lis à haute voix les mots de la liste suivante en développant le début du mot,et en abrégeant sa fin:

 

ô

 

m l e

 

Môle L'autre Bauge Saule Môme
L'aube chaude Daube Fauve Sauce

 

b - Le travail des résonateurs

Pour éviter les problèmes de voix terne, il faut développer ses harmoniques. Pour cela il est nécessaire d'apprendre à se servir correctement des cavités de résonance du crâne.

La première démarche est de parler avec le masque. Il s'agit d'un terme de comédien. La voix doit être placée dans la bouche et non rester dans la gorge. Le moyen le plus efficace est d'imaginer que l'on parle avec les yeux.

Le deuxième conseil est d'utiliser sa propre écoute, pour déterminer quelles sont les paramètres à modifier. L'enseignant doit apprendre à capter la vibration de ses résonateurs. Il peut ensuite les modifier.

Les imitateurs savent très bien faire varier le volume de ces cavités. C'est en modulant les harmoniques de leur voix, sans en changer le fondamental, qu'ils travaillent.

Il ne s'agit pas de faire des enseignants des imitateurs, mais cet exemple nous montre qu'il est possible de modifier cette composante de la voix et d'en améliorer sa richesse.

 

c - Les autres facteurs non négligeables, intervenant sur la voix

Ces autres facteurs sont de nature psychologique.

La voix sera différente si le sujet est nerveux, anxieux ou bavard.
"La voix est le siège de l'émotion". Ne dit on pas que l'on est "muet de peur" ou "muet de surprise". Il existe une liaison très importante entre le comportement, l'état psychologique et la voix.

Le terme angoisse vient du grec étrangler, car les muscles du cou se contractent.
Le meilleur moyen d'éviter l'effet de l'angoisse sur la voix est de développer des exercices de relaxation. Quelques minutes de calme, de silence avant le cours suffisent.

L'essentiel est de prendre le temps de rentrer dans l'action, comme le font les comédiens, avant l'entrée en scène.

 

II - Propositions sur le geste

1 - Qu'est - ce - que le geste ?

Le geste est le deuxième élément de la communication. Il ne doit donc pas être négligé. En effet, la communication n'est pas seulement affaire de mots. L'existence du mime en est la preuve. Le mouvement, le geste apporte une dimension, une richesse supplémentaire à nos relations.

Ce canal peut être utilisé pour faire passer les messages d'une façon différente. Mais il peut aussi parfois trahir nos états intérieurs. Il arrive également que les gestes ne soient pas en accord avec nos paroles, plongeant certains élèves dans la perplexité.

Le geste a toujours une importance prépondérante dans l'apprentissage. Le mimétisme humain met en jeu des mécanismes d'imitation des attitudes et des émotions, cela dès le plus jeune âge. Dans les classes aussi, ce schéma est reproduit. Nous servons de modèle de référence à nos élèves. Un transfert s'effectue de nous vers eux, selon Hegel (dialecte du dominant et du dominé ). La cause de ce transfert peut être l'autorité, le prestige, l'influence, l'admiration...

Ainsi Ribot déclare "l'activité motrice pénètre la psychologie. "

Il nous incombe donc une part de responsabilité dans cet apprentissage.

Ainsi lorsqu'un professeur pose une question et que les réponses fusent de toutes parts; il suffit que l'enseignant lève le doigt, sans ajouter un mot pour que les élèves se calment et en fassent autant.

Dans ma classe aussi, de tels conventions existent. Par exemple, lorsque je lève la main en leur montrant la paume; Ils doivent tous arrêter ce qu'ils font. J'obtiens le silence très rapidement. Les élèves sont prêts à écouter mon intervention.

L'utilisation de ce geste montre beaucoup d'avantages. Notamment en travaux pratiques, où les élèves se déplacent, manipulent, et discutent. La classe est plus agitée et ne nous entend pas toujours. Ils prennent très vite l'habitude de ce geste et apprennent à être plus attentif à l'attitude d'autrui. Quand à moi, je gagne du temps en les mobilisant très vite et en évitant de répéter puisque tous m'ont entendu.

Il existe de nombreux signes de ce type dans une classe. Enumérer l'ensemble de ce code n'aurait pas grand intérêt, mais il ne faut pas oublier l'importance de ces dialogues non verbaux.

 

2 - Les remèdesIUFM Nord-Pas de Calais
Centre de LILLE

 

 

 

 

 

Département : Nord

 

 

 

 

 

 

 

APPORT D'UNE FORMATION THEATRALE A

LA PEDAGOGIE AU SEIN D'UNE CLASSE

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Mémoire professionnel présenté par :

Mademoiselle LEBLOND Agnès

 

Sous la direction de :

Monsieur DAUZET

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Année de soutenance : 1993

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

"Aucun don n'existe sans travail ..."

Gérard Philipe , T.N.P.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 


RESUME ET MOTS CLES

 

 

 

 

Résumé informatif

Les résultats d'entretiens et d'enquêtes auprès des différents partenaires du système éducatif montrent qu'il existe de réelles difficultés de prestation du professeur dans son rôle. Nous avons pu constater que des problèmes similaires étaient traités et résolus dans le monde théâtral, par des exercices exécutés par les comédiens. Ce travail propose donc des essais de solution pour remédier aux difficultés parasites, de voix, de gestuelle, de gestion de l'espace, tout en étant conscient des limites des méthodes proposées.

Les mots clés

Théâtre, voix, gestuelle, gestion de l'espace.
Rôle, prestation, image, théâtralisation.

 


SOMMAIRE

 

 

 

 

Page n°

Introduction: définir le sujet 7
motivation 8
pourquoi présenter un mémoire seule 8
choix de la classe de seconde 9

Problématique 10

Intuition à priori 11

A - La recherche de témoignages pertinents 12

I - Méthodologie adoptée 13

II - Enquête auprès d'une classe de seconde 13

1 - La note aux élèves 13

2 - Réponses aux questionnaires 13

a - Question n°1 13

b - Question n°2 14

c - Question n°3 15

d - Question n°4 et 5 15

e - Question n°6 16

f - Question n°7 17

g - Question n°8 17

III - Entretien avec Monsieur Decoffe, phoniatre 18

IV - Entretien avec un professeur d'expérience :
Monsieur Lauwarier 18

V - Entretiens avec des professeurs stagiaires 21

VI - Entretien avec un acteur, metteur en scène :
Daniel Mesguich 22

VII - Réflexions d'un comédien :
Louis Jouvet. 24

VIII - Le bilan de la situation. 25

B - Les propositions 26

I - Propositions sur la voix 27

1 - Qu'est-ce-que la voix 27

a - Les paramètres de la voix 27

b - La fonction vocale 28

2 - Les dysfonctionnements de la voix 29

a - Le cri 29

b - Le "coup de glotte" 30

c - La durée de la voix 30

d - La mauvaise utilisation des cavités de
résonance 30

3 - Les remèdes 31

a - Le travail de la respiration 31

b - Le travail des résonateurs 32

c - Les autres facteurs non négligeables
intervenant sur la voix. 33

II - Propositions sur la gestuelle. 33

1 - Qu'est-ce-que le geste 33

2 - Les remèdes 34

a - La prise de conscience du corps 34

b - Le travail de la posture 35

c - Les membres supérieurs 36

III - La gestion de l'espace 37

IV - La théâtralisation de cours. 38

1 - Le public 38

2 - L'image du professeur 39

3 - L'effet de scène 40

4 - La gestion de l'imprévisible 41

 

V - Les limites 42

1 - Limite de voix 42

2 - Limite de la gestuelle 42

3 - Limite de la théâtralisation du cours 42

Conclusion 44

Bibliographie 45

Annexes

 


INTRODUCTION

 

 

 

 

 

 

Définition du sujet

Beaucoup d'interlocuteurs, en lisant l'intitulé de mon mémoire ont cru, au premier abord, que je désirais faire du théâtre avec mes élèves.

Non , le but de ce mémoire n'est pas d'initier les professeurs à la formation de club.

J'envisage l'utilisation des pratiques théâtrales dans une toute autre optique, c'est à dire de regarder comment le professeur, peut améliorer sa pratique d'enseignant grâce à l'apport d'une formation théâtrale.

Il ne s'agit en aucun cas d'entamer un jeu de l'esprit, certes aimable et agréable, mais qui en resterait juste à la théorie. Il s'agit bien au contraire d'appliquer ma démonstration de la façon la plus concrète possible.

J'évoquerai et utiliserai ainsi des situations de classe réelles, auxquelles ont déjà été confrontés des professeurs confirmés ou des professeurs stagiaires dont je suis.

Je tiens cependant à développer le sujet le plus possible de la position de stagiaire dans laquelle je suis car je trouve cette position tout à fait privilégiée, puisqu'elle est à la charnière de deux mondes : celui de l'enseigné et celui de l'enseignant.

Nous devons assumer auprès de plusieurs classes le rôle d'un professeur à part entière alors que nous n'en avons pas encore l'expérience. Nous sommes enseignants alors que quelques mois auparavant nous avions encore le statut d'étudiant.

Mais je parle du rôle du professeur, ne serais-je pas déjà dans le vif du sujet ?


La motivation

L'un de mes anciens professeurs de l'université, ayant eu connaissance de mes recherches, me demandait quel rapport il pouvait y avoir entre une formation théâtrale et un professeur des Sciences de la vie et de la terre. Ou bien tout simplement comment une scientifique avait pu avoir une telle idée.

"Peut être avez-vous des parents liés au théâtre ?" m'a-t-il alors demandé.

Je n'ai aucun lien particulier ou privilégié avec le monde du théâtre ou celui du spectacle, si ce n'est un penchant naturel, inexpliqué et irrépressible.

J'ai recherché dans mon passé à quand remontait la naissance de cette passion. Mais autant qu'il m'en souvienne, le théâtre a toujours été présent.

Pourquoi une scientifique s'intéresse-t-elle à un sujet si littéraire ?

En fait, je n'ai jamais été une scientifique au sens classique du terme. Je suis ce que l'on peut appeler familièrement "une touche à tout", qui a un peu mieux réussi en Sciences Naturelles. J'ai toujours gardé à côté de mes livres de biologie et de géologie les oeuvres de Musset, Radiguet, Anouilh, Cocteau et bien d'autres encore... Il en est de même pour le dessin et les arts en général.

J'ai toujours pensé qu'un humaniste, au sens du 18ème siècle, se devait d'être instruit en sciences aussi bien qu'en littérature. Il est nécessaire et même sans doute incontournable d'être un humaniste accompli à notre époque, pour savoir vivre en société et bien évidemment réussir sa carrière d'enseignant.

Ainsi, dans ma carrière, il y a toujours eu une dualité entre sciences et arts. De même le théâtre a toujours été lié à l'enseignement puisque la majeure partie de mes contacts se sont réalisés grâce aux collèges et aux lycées, sous forme d'initiation ou de sorties.

Lier la formation théâtrale à la pédagogie d'un professeur des sciences de la vie et de la terre est naturel puisque la séparation entre les sciences et les arts que font la plupart des gens, n'a jamais existé pour moi.

 

Pourquoi présenter un mémoire seule ?

Lors du dépôt des sujets de mémoire, il m'a été dit qu'il était téméraire de présenter un mémoire seul. Dans mon cas, il ne s'agit pas vraiment d'un choix mais plutôt d'une nécessité.

Le choix de mon sujet découle d'un parcours, nous avons pu le voir précédemment, très particulier. Ma recherche repose sur une intuition qui reste très personnelle. Cette intuition, il faut bien le reconnaître, ne peut être objective. Il était donc difficile, voire quasi impossible, de trouver une personne partageant les mêmes convictions que moi.

 

Le choix de la classe étudiée

Mes recherches sont basées sur la classe de seconde que j'ai en responsabilité. Les élèves de seconde sont en moyenne âgés de 15 à 16 ans. Ils sont donc à un âge où l'apparence et l'image comptent beaucoup.

Nombre de ces élèves rejettent le modèle parental conservé jusqu'alors et se mettent en quête d'un nouveau modèle parmi les personnes qu'ils cotoient, et bien sûr parmi elles, leurs professeurs, dont ils se font une idée très précise.

A cet âge, leur jugement peut être très enthousiaste, parfois même démesurément, ou au contraire extrêmement critique, et cela sans appel : l'élève ne reconnaîtra jamais son manque d'objectivité et la précarité de son jugement.

De plus, le public de seconde n'est pas un public acquis, loin de là, comme peut l'être celui d'une Première S ou d'une Terminale S. En effet, ces classes indifférenciées et bien souvent très hétérogènes, nous offrent un public à convaincre.

Beaucoup d'élèves de la seconde 11 ont de réelles difficultés dans les matières scientifiques. Pour les motiver, les stimuler, il faut les convaincre, voire les séduire,comme peut le faire un comédien.


PROBLEMATIQUE

 

 

 

 

 

 

 

Ce travail repose sur une série de questions quotidiennes que parents, enseignants et élèves peuvent se poser : pourquoi tel professeur passe pour être "bon" et tel autre "moins bon", alors que tous ont été reconnus aptes à enseigner par l'Education Nationale ?

Pourquoi certains professeurs sont "à l'aise" dans leur classe et d'autres non ?

Pourquoi connaissons-nous des professeurs ayant été aphones après des cours ?

Pourquoi disons-nous que tel ou tel professeur a une présence plus marquée ?

Pourquoi ce professeur n'a besoin de recourir à aucune sanction pour obtenir la discipline et que cet autre doive toutes les employer ?

Il existe de nombreuses questions de ce type mais qui reviennent toujours à la même : le professeur peut-il parfaire le rôle théâtral qui lui est confié ?

Et comment peut-il y parvenir ?


INTUITION A PRIORI

 

 

 

 

 

 

Le professeur peut être aidé dans de nombreux aspects de son travail par une formation théâtrale: par des exercices d'acteur qu'il peut adapter à son travail.

Il faut constamment garder en mémoire que ma démarche est novatrice. Aucun document à ma connaissance n'a été produit dans cette optique. Je m'engage donc sur un terrain totalement vierge et sans idée préconçue, si ce n'est mon intuition personnelle.

Pour cela, je compte dans un premier temps faire un constat détaillé de la situation:

J'ai réalisé un certain nombre d'entretiens auprès d'un public privilégié:

- des élèves

- des professeurs confirmés ou débutants

- des gens du théâtre

J'en dégagerai un bilan et un parallèle entre le professeur et l'acteur.

Dans un deuxième temps, je ferai des propositions. Je décomposerai les différents points sensibles d'une scène de cours.

Une critique objective permettra de dégager les limites de ma démarche.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

A - LA RECHERCHE DE TEMOIGNAGES PERTINENTS

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 


I - Méthodologie adoptée

Recueil de données

Dans la mesure du possible, je me suis toujours efforcée d'obtenir des matériaux de première main. Après avoir défini les témoins privilégiés de mes recherches, la quête des matériaux s'est réalisée de diverses façons

- enquête exhaustive auprès d'une population restreinte de classe de seconde

- entretiens limités auprès de personnalités ciblées telles que:

- stagiaires

- professeurs confirmés

- artistes, metteur en scène.

 

II - Enquête auprès d'une classe de seconde

1 - La note aux élèves

La note aux élèves (cf Annexe 1) a suscité quelque peu l'étonnement. Cet étonnement s'est transformé rapidement en un intérêt réel. Il n'est donc pas utopique de penser que les réponses à ce questionnaire résultent du plus grand sérieux.

Les élèves ont disposé de quelques jours pour y répondre. Certains ont même rendu plusieurs pages. Les réponses peuvent donc paraître exhaustives. De toute évidence, les élèves ont adopté une attitude ouverte et réellement motivée dans la réalisation de cette recherche.

 

2 - Réponses de ces élèves et analyse de leurs réponses

a - Question n°1 : prêtez-vous attention à l'apparence de vos professeurs?

leur apparence a une influence sur moi 29,50 %

oui, mais elle ne m'influence pas 61,76 %

non 5,80 %

sans opinion 2,94 %

Au regard de ces résultats, 91,26 % des élèves ont une opinion positive : l'apparence, l'image créée par le professeur se révèle être importante. Parmi les 91,26 %, 61,76 % déclarent qu'à leurs yeux, elle est une motivation supplémentaire dans leur travail.

29,50 % affirment même être influencés par l'apparence du professeur. Nous obtenons donc au sein de la seconde 11 confirmation des généralités énoncées sur le comportement classique de l'adolescent.C'est à dire la recherche de nouvelles références, autres que parentales.

A peine 5,80 % des réponses sont négatives.

Nous pouvons supposer que l'apparence du professeur va jouer sur l'attention de l'auditoire. Un enseignant a la possibilité peu-être d'améliorer sa prestation sur ce point.

 

b - Question n°2 : avez-vous déjà été gênés par la voix, la gestuelle... de l'un de vos professeurs ?

oui : 73,52 %

non : 23,58 %

sans opinion : 3,00 %

A cette question, 73,52 % des élèves disent avoir déjà été gênés par la voix, ou la gestuelle d'un professeur.

Certains problèmes de voix sont cités, comme:

- la prononciation

- le timbre de la voix

- la force de la voix

- la respiration au cours d'une phrase.

Dans ces cas, le discours perd de sa clarté, malgré la qualité et la justesse du contenu.

55,60 % des élèves sont gênés par des professeurs "parlant avec leurs mains". Certains déclarent que quelques professeurs exécuteraient des gestes "bizarres" ou gênants.

Pourtant, il apparaît peu vraisemblable que les professeurs cherchent à gêner leurs élèves par une gestuelle exagérée. Cependant, il est vrai que cet aspect est peu contrôlé et assez inconscient.

23,58 % des élèves disent ne pas être gênés outre mesure. J'ai pu constater que ces élèves avaient eux-mêmes quelques problèmes d'expression. Ils se montrent donc plus raisonnables et indulgents dans leurs propos.

Il semble possible de retenir ces hypothèses de travail: gestuelle et voix, comme des éléments nécessitant plus d'intéret.

 

c - Question n°3 : Préférez-vous que le professeur se déplace dans la classe ou reste constamment à son bureau ?

les déplacements sont bons 44,10 %

les déplacements doivent rester raisonnables 38,26 %

les déplacements sont mauvais 17,64 %

 

82,36 % des élèves aiment voir un professeur se déplacer dans sa classe. Le travail leur semble plus dynamique. Selon leurs propres termes les déplacements "rendent la classe plus vivante". "Les élèves se sentent surveillés", "ce qui crée un climat propice au travail"."les professeurs paraissent plus à l'écoute des élèves,et prêts à les aider".

17,64 % des élèves préfèrent avoir un point fixe auquel se référer. 38,26 % fixent des limites aux mouvements, sinon cette suractivité peut "donner le tournis", ou "fatiguer".

La gestion de l'espace paraît être une nouvelle piste de travail.

 

d - Question n°4 et question n°5 :

Avez-vous déjà eu le sentiment que vous aviez des difficultés dans la matière, parce que quelque chose dans la prestation de l'enseignant vous gênait ?

Avez-vous déjà eu le sentiment que vous avez progressé dans une matière parce que la prestation, ou les capacités de communication du professeur étaient particulièrement bonnes ?

Oui 94.2 %

Non, cela ne joue aucun rôle 5.8 %

94.2 % des élèves ont déjà été influencés par la prestation d'un professeur dans leur travail. Concients de l'influence de ce critère, ils avouent avoir travaillé des matières difficiles, pour "faire plaisir" au professeur .

Dans le cas inverse, il arrive que certains élèves délaissent une matière. Mais attention, ne s'agit - il pas d'une justification à bon compte de leur manque de travail. Lors d'une réunion parents - professeurs, quelques parents m'ont confié qu'ils savaient hélas que leur enfant travaillait "au professeur".

La capacité à se mettre à l'aise dans le rôle peut être une facette supplémentaire à enrichir.

 

e - Question n°6 : comment vous rendez-vous compte qu'un professeur est bon ou mauvais communicateur, lors d'une situation concrète de cours ?

- à l'apparence physique 32,35 %

- au regard, au visage 26,47 %

- à la voix 38,23 %

- à l'attitude 17,64 %

- sans opinion 8,82 %

Remarque : les élèves pouvaient proposer plusieurs réponses.

Pour 91,18 % des élèves, nous constatons que ces critères reposent sur la prestation. C'est une facette du métier d'enseignant qui est moins travaillée que les autres. Par contre, elle l'est beaucoup pour les acteurs.

Un tiers des élèves regrette que quelques professeurs aient tendance à forcer la voix. Cette attitude leur semble inefficace. Dans certains cas, elle rend même les choses plus difficiles.

Un peu moins d'un quart des élèves prêtent une attention particulière au regard. Ils estiment que le dialogue peut aussi passer par ce canal de communication.

De nouvelles hypothèses de travail transparaissent dans ces réponses.


f - Question n°7 : quelles qualités doit avoir un enseignant ?

Qu'il ait un bon contacte avec les élèves 30.49 %

Que son cours soit agréable à écouter 42.07 %

Qu'il tienne compte des idées des élèves 24.50 %

Sans opinion 2.94 %

Les réponses des élèves font référence à la communication. Savoir rendre l'écoute agréable, être parmi les élèves, intégrer leurs intervention dans la démarche du cours. Pour y arriver il faut gérer l'imprévisible d'une classe. Les éléments inattendus ne sont plus perturbant mais enrichissants.

Le professeur peut améliorer ses capacités déjà existantes, en plaçant lui même de "faux imprévus" dans le cours. Il crée des effets de scène relançant l'attention de l'auditoire.

Gérer l'imprévisible, ménager des effets de scène, là encore nous retrouvons des termes de théâtre.

 

g - Question n°8 :Vous rendez-vous compte rapidement qu'un professeur est malade et de quelle façon ?

Oui, facilement 94.11 %

non 5.98 %

Comment ?

- à son regard 26.40 %

- à son comportement 50.00 %

- à sa voix 32.35 %

Près de 94.11 % des élèves s'aperçoivent qu'un professeur est malade avant le début du cours. Ils le voient à des indices indépendants du cours lui - même. Le timbre de voix employé semble être modulé, l' attitude plus tendue, et l'expression du visage différente.

Notre rapport au public est modifié. Ce dernier est codifié par des paramètres qui nous échappent quelquefois, mais que domine en toute circonstance l'acteur de théâtre.


III - Entretien avec Monsieur Decoffe, phoniatre

Monsieur Decoffe a pu constater qu'un tiers de sa clientèle était constitué d'enseignants. C'est la profession ayant le plus grand nombre de problèmes de voix, nous a-t-il déclaré. En effet, personne n'apprend au professeur comment il doit contrôler son appareil vocal.

Voulant relativiser ce constat, Monsieur Decoffe a contacté ses collègues pour savoir si cette proportion était oui ou non confirmée. A l'issue de ce sondage, nombre de ses collègues l'ont confirmée.

Les problèmes des enseignants ne relèvent pas d'une pathologie, mais bien d'un dysfonctionnement réel de l'appareil vocal. Le problème devient tel que la Sécurité Sociale le prend en compte: au départ, les séances de rééducation des phoniatres ne sont pas remboursées, considérant que ces problèmes auraient dû être évités par un apprentissage préalable. Maintenant, la Sécurité Sociale rembourse les interventions chirurgicales liées aux défaillances vocales. Ces interventions sont nécessaires dans presque 50 % des cas, mais cette proportion tend à augmenter. La Sécurité Sociale commence donc à élaborer des modèles d'actions pour apprendre aux professeurs débutants à utiliser correctement leur voix.

"Beaucoup de mes clients enseignants regrettent de n'avoir pas eu de formation de la voix parlée, ce qui aurait permis d'éviter l'opération" nous déclare encore le phoniatre.

Cet entretien nous permet de nous rendre compte que la voix est l'un de nos outils de travail les plus précieux, qu'elle se fatigue, mais qu'elle se travaille. Au même titre qu'un acteur ou un chanteur, nous sommes des professionnels de la voix.

 

IV - Entretien avec un professeur d'expérience : Monsieur Lauwarier.

Monsieur Lauwarier, professeur des sciences de la vie et de la terre au lycée Paul Hazard est mon tuteur, en responsabilité. Lorsque je lui ai parlé de mes recherches, il m'a révélé que ce sujet lui tenait particulièrement à coeur.

Dans un premier temps, il me raconte ses débuts dans la carrière, puis dans un deuxième temps, il me livre ses réflexions de professeur d'expérience.

1ère partie

"A mes débuts, je n'avais pas vraiment de problème, à part quelques-uns dus à mon jeune âge. En effet, je paraissais très jeune de physionomie. Je me suis laissé pousser la barbe pour me vieillir. J'avais déjà alors ce sentiment d'esthétique. L'intuition que le professeur doit entretenir une certaine image.

J'ai toujours pensé que l'apparence du personnage comptait pour la moitié de l'enseignement. J'ai pu cultiver à loisir cette image avant de débuter ma carrière puisque j'ai travaillé dans l'animation. C'est là que j'ai appris les qualités indispensables à la bonne gestion d'un groupe :

- mener le groupe, sans tout lui apporter

- s'adresser à l'ensemble du groupe et non à quelques individus

- avoir une attitude confiante et détendue devant un public

J'ai acquis aussi beaucoup d'assurance. Dès mes débuts, j'ai pris le temps de poser mes phrases. J'improvisais plus facilement, ce qui m'a permis d'intégrer tout de suite les interventions de mes élèves.

Avec un tel apprentissage, l'enseignant n'a plus peur d'être face au public.

J'ai ainsi appris à mener un groupe sans le contraindre, mais sans non plus voir mon autorité contestée. Je n'ai eu en fait qu'à appliquer en classe ce que j'avais découvert en animation.

C'est pour cela que je me suis si vite imposé : je maîtrisais déjà les différentes composantes d'une prestation efficace."

2ème partie

"J'ai toujours pensé, hélas pour les scientifiques purs, qu'il valait mieux être meilleur comédien qu'excellent scientifique pour être professeur.

J'ai aussi une devise en ce qui concerne mon métier :

Si la pièce est très moyenne mais que l'acteur est bon, le public ne s'ennuie pas, si l'acteur est mauvais alors que la pièce est bonne, le public s'ennuie.

C'est exactement la même chose en cours :

Si la leçon est très intéressante en elle-même, mais que le professeur n'y croit pas, les élèves se lassent.

Ainsi je prépare toujours dans mon cours un ou deux rebondissements si cela est possible. Lors d'une recherche, je laisse de temps à autre les élèves poser une hypothèse fausse et chercher des expériences qui vont l'infirmer.

Les élèves sont souvent interloqués par ce genre de situation, car dans leur esprit, la démarche scientifique est :

- je pose l'hypothèse

- je construis le protocole expérimental

- je réalise l'expérience

- je recueille les résultats, et les analyse

- je conclus positivement

J'ai remarqué que cette demande est effectuée souvent mécaniquement car, heureusement, les élèves l'ont bien acquise au collège. Mais il en résulte une sorte de passivité du raisonnement scientifique qui "endort" l'esprit critique.

Lorsqu'ils sont amenés à infirmer leur résultat, ils se trouvent dans une situation qui ne correspond pas à leur archétype du raisonnement scientifique.

De ma place d'enseignant, j'assiste alors à un électrochoc de la classe. Inutile de vous dire qu'après cela, les critiques, commentaires, et les nouvelles hypothèses fusent des quatre coins de la classe.

Il faut alors être absolument prêt à jouer les arbitres, à recentrer, recibler le débat. De plus, cette méthode a pour avantage de mieux faire prendre conscience aux élèves de leurs erreurs, puisqu'ils sont obligés de les rejeter eux-mêmes. Ce n'est plus le professeur qui détecte l'erreur.

Nous pouvons aussi montrer qu'une heure de cours se bâtit comme une situation théâtrale.

En effet, au commencement, il faut mettre en place l'action, par une introduction ou un rappel de ce qui a déjà été vu. On ne commence jamais un cours, on ne lance jamais l'action avant que le cadre et la situation n'aient été précisément définis.

De même, on ne laisse jamais le public sur sa faim. Il doit connaître l'aboutissement de l'histoire. En cours, même si le chapitre n'est pas fini, il ne faut pas laisser les élèves au milieu d'un paragraphe. la leçon du jour doit former un tout cohérent et bien délimité. Le cours suivant n'en sera que plus facile à commencer.

Pour en revenir au parallèle professeur-acteur, j'ai toujours pensé que l'ensemble de l'établissement scolaire fonctionnait un peu comme un théâtre, avec son directeur, ses administrateurs, son public, et, en Sciences Naturelles, ses accessoiristes qui préparent le matériel indispensable à toute pièce de théâtre. Mais qui pourrait bien être le critique de cette pièce ? Quel est l'élément extérieur qui se glisse parmi
le public pour assister à la pièce qui est donnée ce jour là ? Il vérifiera le texte de l'auteur, la bonne utilisation des accessoires, mais aussi la qualité de l'acteur et ses rapports au public. Ne serait - ce pas l'Inspecteur ? Mais je pense qu'il ne faut pas aller trop loin dans cette démarche.

Il apparaît donc qu'un professeur d'expérience sait au cours de sa carrière cultiver des paramètres relevant d'une véritable formation théâtrale. Ne serait-il pas intéressant d'en favoriser l'apprentissage , ou de l'enrichir, chez les stagiaires.

 

V - Entretiens avec des professeurs stagiaires

Je vous présente sous forme de propos rapportés, les témoignages de quelques stagiaires, sur les difficultés qu'ils ont rencontré pendant cette première année.

 

Premier stagiaire :

" Ma grande difficulté dans la classe, est de quitter le bureau. je me suis rapidement rendue compte, qu'en travail individuel, lors d'une recherche sur un exercice par exemple, cette attitude n'était pas bonne. J'ai tenté plusieurs fois de me déplacer, mais dès que je m'éloigne, je ne me sens pas à mon aise, et après quelques pas, je reviens à ma place. Ainsi, je ne suis jamais allée dans le fond de la classe et j'ai mis plus de temps à apprendre les noms des élèves des derniers rangs. Cela a rendu mes rapports plus difficile avec eux car ils n'aiment pas que l'on oublie leur nom".

 

Deuxième stagiaire :

"J'ai pu remarquer que dans ma classe de seconde, mes rapports étaient différents quand j'avais les élèves en demi groupe ou un classe entière. Dans le premier cas, je suis dans une petite salle. J'arrive à me faire entendre d'eux. Dans le deuxième, je suis dans une salle beaucoup plus grande. vous ajoutez à cela le bruit des chaises et des bavardages, et ma voix est couverte. Après dix minutes je crie pour me faire entendre des derniers rangs. Au fur et à mesure que le cours avance, ma voix les fatigue, et je perds leur attention".

 

Troisième stagiaire :

"Les élèves de seconde, à cet âge, savent très bien capter les défauts des enseignants. En surprenant mes élèves en train de m'imiter, je me suis aperçu que je faisais des gestes de nervosité. Sans doute, les élèves peuvent en déduire que le professeur n'est pas aussi inébranlable qu'il veut en avoir l'air".

Quatrième stagiaire :

"Je n'ai jamais eu de problème de voix jusqu'à ce que je commence à enseigner. Pour se faire entendre d'une classe de trente trois adolescents, pleins de vie, nous ne pouvons parler à voix conventionnelle. Il faut parler beaucoup plus fort. J'ai sans doute mal géré cette situation, après quelques alertes, début novembre, j'étais aphone. Ma voix depuis est revenue. Mais souvent de petits symptômes m'indiquent que je ne suis pas à l'abri de nouveaux problèmes".

 

Cinquième stagiaire :

"Mon problème est de saisir la classe dans son intégralité. De mon bureau, je ne les vois pas tous, il y a des "zones d'ombre". Je me suis rendu compte au premier conseil de classe que je connaissais à peine certains élèves. Depuis, je me déplace plus souvent pour changer d'angle de vue. Je suis aussi plus près des élèves et ressens mieux la globalité de la classe".

 

Sixième stagiaire :

"Mon tuteur m'a dit que mon timbre de voix était trop uniforme. J'essaie d'y remédier, mais j'avoue que sans vraie méthode de travail les résultats ne me semblent pas très probants".

 

Septième stagiaire :

"Je n'arrive pas, pendant mon cours, à faire plusieurs choses à la fois. Je ne peux pas réaliser une expérience tout en décrivant ce que je fais, ou faire cours tout en me rendant à l'appareil à diapositives. Il y a dans mon cours des "blancs", pendant lesquels les élèves en profitent pour avoir des conversations personnelles et pour se déconcentrer. Bien sûr je perd du temps à attendre le silence". Il faudrait que j'apprenne à me détacher de mon texte pour pouvoir manipuler. Mais comment ?"

 

VI - Entretien avec un acteur, metteur en scène : Daniel Mesgich.

Monsieur Mesguich, acteur de formation, a été nommé à la direction du Théâtre National Lille/Tourcoing "la Métaphore". Je l'ai rencontré, pour lui poser quelques questions.

 

A.L : "Dans le cadre des recherches que je viens de vous exposer, avez-vous un témoignage d'ancien élève à m'apporter ?"

D.M : "Je me suis souvent demandé comment ma carrière s'était amorcée, pourquoi dès le lycée, j'ai été attiré par les lettres. Lorsque je pense au cours de mathématiques la première image qu'il me souvienne est celle d'un professeur de dos. En lettres, je revois des visages : une vrai communication."

 

A.L : "Vous pensez que cette attitude du professeur a joué un rôle dans votre carrière ?"

D.M : "Avec du recul, oui, je le pense; Je n'aimais vraiment pas voir ce dos. Je crois que ce comportement relève de la mise en scène. Il est rare qu'un comédien tourne le dos au public."

 

A.L : "Comment percevez-vous ma démarche : la comparaison du professorat à l'acte de jouer la comédie ?"

D.M : "Cela peut ouvrir de nouvelles perspectives pour les professeurs. J'ai de nombreux contacts avec des enseignants s'intéréssant au théâtre. Il existe des cours de théâtre pour professeurs à la Métaphore. Mais beaucoup s'inscrivent à ce stage pour pouvoir faire du théâtre avec leurs élèves. Quelques uns cependant se placent dans votre optique de recherche."

 

A.L : "Pensez-vous que le public peut être comparé aux élèves d'une classe ?"

D.M : "Dans certains comportements caractéristiques, oui. Souvent, je me glisse parmi le public, lors d'une représentation. J'ai vu qu'environ toutes les dix minutes l'attention diminuait. Pour employer un terme de notre époque, le spectateur "zappe". Heureusement, au théâtre, il se passe suffisamment de choses pour relancer l'attention.
Je crois savoir qu'il existe le même problème dans une classe. Il s'accentue encore par le fait que les élèves ne sont pas adultes, et que quelques uns ne sont pas là de leur plein gré.

 

A.L : "Le professeur aurait alors à s'inspirer du théâtre pour relancer l'action ?"

D.M : "Oui, ce serait intéressant. Je crois que vous pouvez vous inspirer de cette idée d'effet de scène.
En y pensant, il y a beaucoup de similitudes entre le théâtre et l'enseignement. C'est sans doute une voie à exploiter. Elle peut être très enrichissante pour vous."


VII - Réflexions du comédien : Louis Jouvet.

Louis Jouvet publie en 1952, ses propositions sur son métier de comédien. En étudiant cet ouvrage, nous voyons que bons nombre de réflexions sont applicables à l'enseignement. Je vous en propose quelques - unes, ainsi que les commentaires qu'elles m'inspirent.

- "Mais pour le comédien, une pièce est une sorte d'épreuve sportive."

Pour le professeur aussi. Surtout quand il s'agit d'une suite de travaux pratiques (dissections ou observations microscopiques). Les professeurs plus expérimentés nous conseillent de ménager nos forces en début de semaine, sous peine d'être trop fatigués pour la finir en bonne condition.

 

- "Le comédien exerce un pouvoir de séduction..."

L'enseignant doit exercer ce même pouvoir de séduction. Il est jugé, nous l'avons vu, avant de commencer le cours. Il est également confronté aux à priori des élèves non scientifiques. Ceux-ci reconnaissent travailler parce que le professeur leur plaît.

 

- "Une comédie n'est vraiment achevée qu'après la première représentation. Il y a toujours dans la pièce une sorte de création seconde après l'écriture."

Lorsque je prépare mes cours, je sais qu'ils se dérouleront différemment. Ils se font avec les élèves et non face à eux. A ce propos Louis Jouvet nous dit encore: "l'auteur ne fait pas sa pièce mais c'est le public qui la fait avec les éléments que lui fournit l'auteur.

 

- "Qu' Alceste soit grand ou petit, Oronte maigre ou gras, cela est indifférent. Il suffit que le comédien prenne le ton, l'humeur et l'esprit du personnage."

De même dans une classe, il n'est pas besoin d'être grand et fort pour obtenir la discipline. De petites femmes ont déjà été redoutées par les classes chahuteuses parce qu'elles étaient bien installées dans leur rôle.

 

- "Le pouvoir d'aimantation entre le public et la représentation est comme en physique en rapport inverse de la distance."

Le contact avec les élèves est meilleur lorsque nous sommes avec eux. Ils savent que nous ne les redoutons pas. Nous leur semblons aussi plus accessibles.

- "Et si je vous demandais maintenant quel est le nom de celui qui a la charge d'âme et d'esprit, celui dont le soucis est la grandeur [...], l'intelligence publique, l'éducation du peuple..."

On penserait que Louis Jouvet parle du professeur, tant cette définition lui correspond; mais c'est le meneur de troupe qu'il décrit ici.

 

Enfin j'achèverai, sans la commenter, sur cette citation:

"Toute foule humaine, communauté, groupe qui connait son premier conducteur, son premier soliste est une cellule de théâtre [...]
Dans les manifestations de cet échange entre le groupe et son chef se trouve reformé le dialogue théâtral."

 

VIII - Bilan de la situation

Il se dégage donc un parallèle très net entre le professeur, face aux élèves et le comédien face au public.

De plus, nous avons pu constater que quelques professeurs notamment stagiaires, rencontraient des difficultés ne relevant ni des connaissances, ni de la progression pédagogique.

Il s'agit des problèmes de:

voix

gestuelle

gestion de l'espace

théatralisation du cours

Je vais à présent essayer de proposer des solutions.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

B - LES PROPOSITIONS

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 


I - Propositions sur la voix

1 - Qu'est - ce - que la voix ?

Au départ, il y eu le cri, chez les primates puis le passage à la position debout libère le larynx et laisse place à la voix, à la parole, au langage.

 

a - Les paramètres de la voix

La voix relève d'un certain nombre de paramètres physiques, anatomo-physiologiques, psychologiques, sociologiques, que je me propose de vous exposer.

Les caractères physiques sont : - la hauteur
- l'intensité
- le timbre
- la durée

Tous quatre sont mesurables, précisément

La hauteur de la voix est définie par rapport à l'oreille absolue.

L'intensité peut-être mesurée par un sonomètre. Elle définit trois types de voix :

-la voix chuchotée
-la voix de conversation
-la voix projetée, utilisée couramment par un professeur lors d'un cours.

Cette voix projetée est en moyenne située 20 décibels au-dessus de la voix de conversation, ce qui correspond environ à 80 décibels pour un mètre.

Le timbre: il est en rapport avec les harmoniques composant la voix (annexe 3 ). C'est la signature d'une voix, ce qui la rend unique. Il est très courant que deux personnes aient la même hauteur de voix, mais elles n'ont jamais le même timbre.

La durée: c'est la façon de gérer la voix dans le temps. Elle est étroitement liée à la respiration.


b - La fonction vocale

De nombreux organes interviennent dans la phonation et notamment un nombre incalculable de muscle. Par exemple la langue est composée de 17 muscles à elle seule. C'est pourquoi il est plus facile de se référer à un instrument de musique. ( annexe 4).
Cet instrument de musique est à vent et non à cordes malgré le nom ambigu donné aux cordes vocales.

Comment se crée le son ?

Il y a d'abord l'énergie de la voix créée dans notre instrument (annexe 4 ), par la poire, c'est le sac à air . Chez l'homme c'est la cage thoracique avec les poumons à l'inspiration.

La main entourant la poire peut être assimilée au squelette et aux muscles. Le pouce reste fixe, il joue alors le rôle de la colonne vertébrale. Les autres doigts, véritable moteur de la pression exercée sur la poire peuvent être assimilés au diaphragme et aux muscles expiratoires de la cage thoracique. Nous pouvons donc obtenir l'expiration, qui va définir l'intensité de la voix . Mais cette expiration seule ne suffit pas à avoir formation d'une voix. Il manque la vibration .

Cette vibration est due à un rétrécissement de la colonne d'air ( annexe 4 ) au niveau de la trachée . La colonne d'air se dépassant heurte un obstacle, une anche dans le cas de notre klaxon, les cordes vocales (détail annexe 5 ) chez l'homme.

Que se passe-t-il alors ?

La colonne d'air jusqu'à présent uniforme se cisaille.

Mais quel est ce processus de cisaillement ?

Les cordes vocales, vues de face (annexe 6, document 1), se présentent comme deux muscles plats et allongés, ayant une tendance naturelle à se refermer . Nous pouvons modéliser ces cordes vocales suivant la représentation schématique de la théorie myoclassique (annexe 6, document 2 ) . La colonne d'air se heurte donc à cette paroi . La pression augmente tant et si bien qu'elle devient supérieure à la tension d'accolement des cordes vocales . Il y a ouverture . La pression diminue , les cordes vocales se referment, jusqu'à ce que la pression de l'air pulmonaire augmente à nouveau.

C'est cette suite d'ouvertures et de fermetures ( annexe 7 )qui donne l'ondulation. Elle est simple de principe, puisqu'elle est régie par la loi de Bernoulli. Cette mise en ondulation nous permet d'obtenir le son fondamental ( annexe 4 ) définissant la hauteur de la voix .

 

Nous obtenons donc la voix fondamentale mais les harmoniques composant le timbre (annexe 4 ), la couleur de la voix, ne sont toujours pas là . Il faut, pour les voir apparaître, qu'il y ait résonance du son, au niveau des cavités du crâne .
La forme, le volume de ces cavités étant différents d'une personne à l'autre suivant la conformation du crâne, il est bien évident qu'au même fondamental, correspondent des harmoniques différentes.

La voix possède donc un fonctionnement complexe . Nous pouvons alors supposer que ses dysfonctionnements sont courants et extrêmement variés .

 

2 - Les dysfonctionnements de la voix

a - Le cri

Dans une classe agitée, bruyante, ou tout simplement très vaste, un enseignant devant son public a une tendance naturelle à forcer sa voix .

Que ce passe-t-il alors ?

Il y a contraction de l'ensemble des muscles de la gorge . Les cordes vocales se tendent, ce qui a pour conséquence de porter la voix dans le registre des aigus . La voix ne devient pas pour autant plus forte, bien au contraire, puisqu'une partie des résonateurs reste bloquée: une partie des harmoniques de la voix disparaît . La voix diminue en intensité perd de sa compréhension et devient terne . L'effet de monter dans le registre des aigus est, de plus, pour beaucoup de personnes particulièrement irritant.

Pour le professeur, à court terme, il y a mal de gorge ou aphonie. A long terme, il y a formation de polypes ou de nodules sur les cordes vocales . Ceux-ci nécessitent l'opération chirurgicale .

il peut se produire aussi des laryngites à répétition, sur lesquelles les antibiotiques n'ont aucun effet; ou encore des voix bitonnales, qui correspondent à une fatigue d'une seule corde vocale provoquant un décalage dans la vibration .

b - le "coup de glotte"

Ce que les spécialistes de la voix appellent le "coup de glotte", résulte d'une façon très sèche de parler . Là encore il y a contracture des muscles du cou . Les voyelles sont coupantes et non coulantes .
Ces "coups de glotte" sont caractéristiques sur les "a" .Le sujet y associe une respiration par la bouche qui dessèche particulièrement les cordes vocales . Ce que tout professionnel de la voix doit éviter . Là encore, il peut y avoir formation de nodules opérables .

 

c - La durée de la voix

Certains professeurs selon les élèves, s'expriment de manière hachée . D'ailleurs, des stagiaires reconnaissent eux-mêmes devoir s'interrompre en milieu de phrase, pour pouvoir respirer . Il s'agit tout simplement d'une mauvaise gestion de la durée de l'expiration. Le discours devient alors difficile à suivre. Ces problèmes sont facilement décelables à partir d'exercices.

 

L'exercice du "a":

A une profonde inspiration, nous plaçons un "a" sur l'expiration . Il doit durer 15 à 20 secondes. Un "c" lui doit se prolonger pendant au moins 20 secondes . Si ces temps ne sont pas réalisés, la gestion du souffle est mauvaise

 

d - La mauvaise utilisation des cavités de résonance

La mauvaise utilisation des cavités de résonance à pour conséquence de diminuer les harmoniques de la voix . Celle-ci devient terne, monotone, et extrêmement lassante. La voix peut également devenir nasale : le voile du palais ne se referme pas, et même pour les "ch", "m", "b", la cavité nasale vibre.

 

Voici ici cernés les principaux problèmes de la voix, mais voyons concrètement comment y remédier.


3 - Les remèdes

a - Le travail de la respiration

Ce travail de la respiration peut résoudre les trois premiers problèmes, c'est à dire:

- acquérir une puissance vocale.
- éviter les "coups de glotte".
- gérer son souffle.

La respiration est un élément naturel, vital. L'inspiration est volontaire. L'expiration passive est obtenue par relâchement des muscles préalablement contractés. Lors de la phonation, l'expiration doit devenir active et l'inspiration courte , silencieuse.

En fait, le système doit fonctionner à l'envers.

La respiration ne doit pas se faire en montant les épaules et en rentrant le ventre, car le souffle est alors coupé. La cage thoracique ne peut pas se remplir. Le souffle à disposition diminue. C'est alors que l'on augmente le débit verbal, pour arriver à finir sa phase,et que l'on tire sur les cordes vocales.

Il faut donc apprendre à respirer. La respiration thoracique habituelle doit devenir abdomino-thoracique. L'adulte doit retrouver la respiration "par le ventre" qu'il développait dans son enfance.

Pour cela un certain nombre d'exercices existe. Au départ, ce sont des exercices d'acteurs et de chanteurs que les phoniatres appliquent aux enseignants. Je vous en propose un, à titre d'exemple.

 

Retrouver la respiration abdominale :

Debout, je place mon corps droit, et mes mains sur le ventre . Je détends bien mes épaules, puis je souffle en serrant énergiquement les muscles de l'abdomen. A l'inspiration je laisse rentrer l'air, le ventre se détend. Le mouvement du souffle doit être contrôlé, je peux m'aider de mes mains.

 

Une fois cette respiration contrôlée acquise, il faut décontracter l'appareil vocal pour placer correctement la voix. Celle - ci ne fuira plus dans les aigus


Exercice de détente de l'appareil vocal:

Je ramène la pointe de la langue derrière les dents de la mâchoire supérieure, puis la déplace vers le fond de la cavité buccale. Je reviens en sens inverse. J'exécute le même mouvement en suivant l'axe médian du palais. Je reprends l'exercice au départ.

La bouche est alors détendue et la voix se place à sa hauteur véritable, sans crispation.

Il nous reste maintenant à placer la voix sur le souffle pour lui donner plus de portée.

 

Exercice: le travail sur le "o"

Je lis à haute voix les mots de la liste suivante en développant le début du mot,et en abrégeant sa fin:

 

ô

 

m l e

 

Môle L'autre Bauge Saule Môme
L'aube chaude Daube Fauve Sauce

 

b - Le travail des résonateurs

Pour éviter les problèmes de voix terne, il faut développer ses harmoniques. Pour cela il est nécessaire d'apprendre à se servir correctement des cavités de résonance du crâne.

La première démarche est de parler avec le masque. Il s'agit d'un terme de comédien. La voix doit être placée dans la bouche et non rester dans la gorge. Le moyen le plus efficace est d'imaginer que l'on parle avec les yeux.

Le deuxième conseil est d'utiliser sa propre écoute, pour déterminer quelles sont les paramètres à modifier. L'enseignant doit apprendre à capter la vibration de ses résonateurs. Il peut ensuite les modifier.

Les imitateurs savent très bien faire varier le volume de ces cavités. C'est en modulant les harmoniques de leur voix, sans en changer le fondamental, qu'ils travaillent.

Il ne s'agit pas de faire des enseignants des imitateurs, mais cet exemple nous montre qu'il est possible de modifier cette composante de la voix et d'en améliorer sa richesse.

 

c - Les autres facteurs non négligeables, intervenant sur la voix

Ces autres facteurs sont de nature psychologique.

La voix sera différente si le sujet est nerveux, anxieux ou bavard.
"La voix est le siège de l'émotion". Ne dit on pas que l'on est "muet de peur" ou "muet de surprise". Il existe une liaison très importante entre le comportement, l'état psychologique et la voix.

Le terme angoisse vient du grec étrangler, car les muscles du cou se contractent.
Le meilleur moyen d'éviter l'effet de l'angoisse sur la voix est de développer des exercices de relaxation. Quelques minutes de calme, de silence avant le cours suffisent.

L'essentiel est de prendre le temps de rentrer dans l'action, comme le font les comédiens, avant l'entrée en scène.

 

II - Propositions sur le geste

1 - Qu'est - ce - que le geste ?

Le geste est le deuxième élément de la communication. Il ne doit donc pas être négligé. En effet, la communication n'est pas seulement affaire de mots. L'existence du mime en est la preuve. Le mouvement, le geste apporte une dimension, une richesse supplémentaire à nos relations.

Ce canal peut être utilisé pour faire passer les messages d'une façon différente. Mais il peut aussi parfois trahir nos états intérieurs. Il arrive également que les gestes ne soient pas en accord avec nos paroles, plongeant certains élèves dans la perplexité.

Le geste a toujours une importance prépondérante dans l'apprentissage. Le mimétisme humain met en jeu des mécanismes d'imitation des attitudes et des émotions, cela dès le plus jeune âge. Dans les classes aussi, ce schéma est reproduit. Nous servons de modèle de référence à nos élèves. Un transfert s'effectue de nous vers eux, selon Hegel (dialecte du dominant et du dominé ). La cause de ce transfert peut être l'autorité, le prestige, l'influence, l'admiration...

Ainsi Ribot déclare "l'activité motrice pénètre la psychologie. "

Il nous incombe donc une part de responsabilité dans cet apprentissage.

Ainsi lorsqu'un professeur pose une question et que les réponses fusent de toutes parts; il suffit que l'enseignant lève le doigt, sans ajouter un mot pour que les élèves se calment et en fassent autant.

Dans ma classe aussi, de tels conventions existent. Par exemple, lorsque je lève la main en leur montrant la paume; Ils doivent tous arrêter ce qu'ils font. J'obtiens le silence très rapidement. Les élèves sont prêts à écouter mon intervention.

L'utilisation de ce geste montre beaucoup d'avantages. Notamment en travaux pratiques, où les élèves se déplacent, manipulent, et discutent. La classe est plus agitée et ne nous entend pas toujours. Ils prennent très vite l'habitude de ce geste et apprennent à être plus attentif à l'attitude d'autrui. Quand à moi, je gagne du temps en les mobilisant très vite et en évitant de répéter puisque tous m'ont entendu.

Il existe de nombreux signes de ce type dans une classe. Enumérer l'ensemble de ce code n'aurait pas grand intérêt, mais il ne faut pas oublier l'importance de ces dialogues non verbaux.

 

2 - Les remèdes

a - La prise de conscience du corps

Dans notre civilisation européenne, il s'est produit une étonnante séparation entre le corps et l'âme. Ne différencie - t - on pas le manuel de l'intellectuel ? Selon cette classification, le professeur est un intellectuel. Mais il est nécessaire de réassocier les deux composantes, physique et mentale, pour que la personnalité s'équilibre.

Il existe, pour cela, des exercices de relaxation efficaces.

La plus part se réalise allongé. Dans cette position, le cerveau prend mieux conscience du cops car il reçoit des messages nerveux de toute la partie dorsale, en contact avec le sol.

Vous allez penser qu'il n'est pas facile de pratiquer de tels exercices dans son établissement. Cependant, il arrive que l'administration mettent à la disposition des enseignants une salle de relaxation contiguë à celle des professeurs.

 

b - Le travail de la posture

L'enseignant est debout une grande partie de la journée. Sa posture doit être avant tout stabilisée. Là encore des exercices sont profitables. Je vous en cite un à titre d'exemple:

Debout, Je me place droit. Les deux pieds à plat sont légèrement écartés. Je me concentre sur le contacte avec le sol. Il est cause de mon réflexe de posture. J'imagine que le poids de mon corps descend dans mes jambes.

Cet exercice en plus de développer la stabilité extérieure, développe la stabilité intérieure. Celle-ci peut être une force d'intimidation très efficace, face à une classe difficile.

Certaines postures doivent absolument être évitées: toutes les postures qui tendent à fermer la cage thoracique. Par exemple, celle qui consiste à prendre appui sur le bureau avec les mains, et en voutant le dos.
Cette position est schématisée ci - dessous:

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Elle a pour conséquence de couper le souffle. La cage thoracique est bloquée en position fermée par les épaules qui sont placées vers l'avant.

Moi - même, avant d'enseigner, ma posture était voutée. J'ai pris cette mauvaise habitude en étudiant. C'est la position classique de l'élève penché sur son travail. J'ai remarqué qu'inconsciemment, en un à deux mois de professorat je m'était redressée, sans doute pour dégager ma cage thoracique.


c - Les membres supérieurs

Nous l'avons vu dans les témoignages, il arrive que des gestes trahissent l'état émotionnel de l'exécutant. Les plus courants sont les démonstrations de nervosité ou d'énervement.

Même si le discours est posé et clair, l'élève est tout à fait capable de les interpréter. Cela sera sans suite dans une classe calme. Mais face à un élève difficile, ils peuvent être utilisés à notre désavantage. L'élève perçoit ce que nous ne voulons pas lui dire . Il peut s'en servir pour trouver la faille menant à une situation de crise.

Ainsi, Yves Lorelle dit "le geste manuel est la parole sans le verbe."

Les autres gestes les plus exposés, dans notre société, sont ceux associés aux fonctions organiques.

Il existe également des gestes symboliques du théâtre burlesque, comme tourner sur un pied par exemple, à éviter en classe.

Pour mieux contrôler son expression gestuelle en générale, il existe le mime. Sa pratique permet de prendre conscience de l'importance de chaque mouvement, et des connotations qu'il peut avoir.

 

 

Tous les mouvements du corps font donc partie d'un langage à part entière. Le théâtre, et de manière plus exclusive le mime, l'emploient très couramment.

On peut associer à beaucoup de gestes une idée précise:

Si en situation de crise, je m'avance vers l'élève,il traduit cela comme une attaque et réagit violemment. Mais si je mets ma main sur son épaule (geste symbolique de protection),il est rassuré et se calme.

Dans la même situation, un recul est traduit comme une fuite.

Chaque geste, fait inconsciemment, est interprèté par nos interlocuteurs. Il est illusoire de penser contrôler toutes nos expressions corporelles. Mais y prêter plus d'attention, et réintégrer notre corps comme un véritable outil de communication, peut nous offrir de nouvelles possibilités.


III - Propositions sur la gestion de l'espace

Avant de commencer tout exposé, il est utile de délimiter la scène à l'intérieur de la classe. Rapidement vient à l'esprit, l'agencement de la classe. Le bureau est encore très souvent placé sur l'estrade. Les élèves sont devant. En comparant cette salle à celle d'un théâtre, nous logeons le public à la place des élèves, le bureau et l'espace l'entourant représente la scène. Professeur et élèves sont séparés par le célèbre 4ème mur.

Pour ceux qui ne le connaissent pas, ce mur permet de représenter une pièce comme si son action avait lieu réellement. Le spectateur a l'impression d'y assister par indiscrétion. L'acteur n'a plus à faire agir son personnage qu'afin de mettre le public en position de voyeur. L'existence de cette paroi fictive a pour conséquence de séparer l'espace en deux sous-ensembles: la scène et la salle.

La création de ce 4ème mur est très récente. Au siècle des lumières, époque du "théâtre libre", il n'existait pas. Jean-Jacques Rousseau invitait même les spectateurs à intervenir, lors de ses représentations, et les acteurs à leur répondre. C'est le comte de Lauraguais qui, le premier, libéra la scène. Il existe donc une deuxième image de la salle de théâtre, où les rapports public - acteurs sont libres de toute contrainte.

Ainsi la classe va osciller entre ces deux situations, suivant les activités des élèves.

Lorsque le professeur "fait cours", qu'il explique une partie plus théorique, qu'il donne des définitions, il est préférable qu'il soit face à tous ses élèves. Cette place lui permet de capter l'attention de tous.

Dans un souci de gestion de l'espace, le professeur peut prendre la liberté de modifier l'agencement des tables. La meilleure organisation est celle de l'amphithéâtre grec. D'où certaines classes rangées en "u".

S'il écrit au tableau, il doit en tenir compte et ne doit pas faire dos à la classe de façon prolongée car sa voix est masquée.

Lorsque les élèves sont en recherche active, ou en travaux pratiques, les demandes sont différentes selon les groupes. Pour y répondre plus efficacement, il est préférable de se déplacer pour aider un groupe sans gêner la réflexion des autres. Le professeur surveille mieux le travail des éléments démotivés. De même, si une difficulté apparaît,il la perçoit beaucoup plus rapidement.

Dans une classe de 34 élèves, du bureau, l'enseignant ne peut pas voir toute la classe. Certains sont toujours cachés par d'autres. Pour poser des questions, il peut se déplacer un peu pour changer d'angle de vue. Le professeur voit enfin (en plusieurs étapes) tous ses élèves.

Si l'enseignant envoie un élève au tableau, celui-ci prend le relais. L'enseignant vient parmi le public, pour mieux juger de l'intervention. Il peut demander de parler plus fort ou de s'écarter du tableau, si c' est nécessaire.

Le professeur gérant mieux ses déplacements, prête plus d'attention à ceux de ses élèves. Par exemple, il pensera plus facilement à répartir le matériel.

 

Ainsi la gestion de l'espace doit varier tout au long d'une séance de cours pour s'adapter à toutes les conditions. Il y a dynamisation du rapport professeur - élèves. le professeur gère les situations sur ce modèle de façon instinctive. S'il en prend conscience, il peut parfaire sa pratique pour le bénéfice de tous.

 

IV - La théâtralisation du cours

1 - Le public

Lorsque l'heure du cours sonne, les élèves entrent en position d'attente. Ils attendent que l'on vienne les chercher, que la classe fermée s'ouvre ou que le professeur entre dans la salle.

C'est la même attente avant le début d'une pièce. Le public impatient guette le moindre indice, le moindre mouvement du rideau. Bien souvent, comédiens et metteur en scène, de l'autre côté, viennent les entr'apercevoir pour connaître "l'ambiance du soir". En quelques secondes, ils devinent si les spectateurs sont heureux ou fatigués; si tel événement, telle information, les a ravis ou scandalisés. Parfois ils se demandent: " Mais qu' ont-ils ce soir ?". Puis apprennent que telle personnalité est dans la salle.

Ainsi, l'entrée en scène ne se fera pas de la même manière. Il est connu que Gérard Philipe, qui était adulé des jeunes générations, prenait toujours garde au public. Quand les adolescents étaient nombreux, il s'efforçait de rentrer de façon à ce qu'ils ne puissent applaudir, ce qui aurait coupé le spectacle.

Nous pouvons aussi apprendre beaucoup des états de nos élèves pendant cet avant - cours. S'ils sont fatigués, la progression pourra être ralentie et les temps de réflexions allongés, pour permettre d'assimiler malgré tout. S'ils sont énervés, nous pouvons être plus vigilants sur la discipline.

L'attitude du professeur peut ainsi s'adapter aux potentialités des élèves pour tirer le meilleur d'eux-mêmes, quelles que soient les conditions.

 

2 - L'image du professeur

Quand le professeur entre dans la classe, il doit être opérationnel. Alors que nous ne sommes pas encore installés, les élèves viennent déjà à notre rencontre: " Madame, vous nous rendez le devoir aujourd'hui ?" ; "Madame, j'ai oublié mon cahier ". Il faut tout de suite assurer son rôle et faire jouer le personnage.

Pour se préparer, un exercice d'acteur est réapplicable. C'est l'exercice de mobilisation. il se déroule en quatre temps.

 

Premier temps: La prise en main

C'est le moment où l'on prend en considération la situation. Il faut faire abstraction des autres idées et des soucis pou ne plus penser qu'à faire cours.

 

Deuxième temps: L'engagement

C'est le temps où l'on rentre en situation. Celle-ci n'est plus extérieure. De passifs, nous sommes disposés à devenir actifs, à prendre part.

 

Troisième temps: La concentration

C'est la prise de contact avec toutes nos potentialités. Ce temps permet d'obtenir le stress suffisant pour être prêts à réagir vite et bien face à l'imprévisible. C'est la mobilisation de toutes nos capacités.

 

Quatrième temps: L'éveil

C'est le dernier temps. Il nous permet de nous ouvrir à la classe, à ses demandes, à ses attentes. Nous pouvons sortir de la fermeture d'esprit, du repliement qu'est la concentration. C'est le moment où débute réellement la classe.

Il est utile de délimiter des barrières spatiales de ces changements d'état d'esprit. Il y a matérialisation physique des différents passages psychologiques. Ainsi la prise en main peut se faire quand nous franchissons la porte de l'établissement, l'engagement lorsque nous rentrons dans le laboratoire. La concentration se réalise en s'installant au bureau et l'éveil au moment où nous le quittons pour aller au devant des élèves.

Si l'une des étapes n'est pas réalisée, la classe peut être perturbée.

- S'il n'y a pas de prise en main, des préoccupations peuvent nous déconcentrer. L'efficacité diminue.

- Si l'engagement ou l'éveil ne se font pas, il peut y avoir difficulté à entrer en contact avec les élèves, soit en restant spectateur de la situation, soit en étant trop centré sur soi pour percevoir les difficultés.

- Si la concentration ne se fait pas, il peut y avoir lenteur ou inadéquation des réactions aux éléments imprévisibles.

De petits détails peuvent aussi avoir leur importance pour aider à entrer dans le personnage. Pour certains, cela peut être la blouse blanche par exemple. Le moment de l'appel est aussi important. En plus d'être un acte administratif incontournable, c'est la prise en main réelle de la classe par l'enseignant. L'élève est mobilisé. Nous pouvons nouer un bref contact visuel, individualisé avec lui. Pendant ce court instant, il y a reconnaissance des positions sociales de part et d'autre.

Le professeur est maintenant réellement présent dans sa classe, il peut commencer son cours.

 

3 - L'effet de scène

Pendant le cours, il arrive, malgré notre dynamisme, que l'attention des élèves diminue. Soit parce qu'ils sont fatigués, ou parce que la partie du cours travaillée est plus ardue. Il est nécessaire de remotiver les élèves et de relancer leur attention.

L'élève habitué au rythme de la progression du cours, doit d'abord être mis dans une impasse. Nous pouvons le laisser choisir une hypothèse fausse que l'expérience imaginée infirmera. Nous pouvons également lui poser une question à laquelle nous doutons fortement qu'il ait la réponse. Le rythme du cours est interrompu et l'élève réagit: il reste interloqué puis rapidement s'interroge,c'est à dire qu'il repasse en position de recherche active.

Nous pouvons aussi, comme au théâtre, provoquer l'événement. En suivant les conseils de mon tuteur, j'ai cherché à créer des effets de scène. Je peux vous en citer un.

En étudiant la porosité, je cherchais à faire comprendre l'importance du diamètre des pores dans le développement des forces capillaires. Je leur ai demandé "Pourquoi une partie de l'eau du sol s'écoulait et que l'autre était retenue ?". Après quelques tentatives, ils ont compris qu'ils n'avaient pas la réponse. Pour les mettre sur la voie, j'ai "inventé une expérience avec les moyens du bord". Me voyant "bricoler en amateur" comme ils auraient pu le faire chez eux, j'ai vu trente quatre paires d'yeux se river sur mes moindres gestes.

Inutile de vous dire que l'expérience était prévue et que "les moyens du bord" étaient tout à fait adéquats. Mais cela ils ne l'ont pas vu!

Par la suite, l'attention des élèves étant retrouvée, le travail fourni fut très efficace malgré l'heure tardive.

J'essaie de prévoir des effets de scène de ce type pour redynamiser la classe. Ces situations sont, en fait, directement issues du théâtre. Les utiliser quelques fois dans la classe peut se révéler très bénéfique.

 

4 - La gestion de l'imprévisible.

Nous l'avons constaté en développant notre expérience d'enseignant, un cours ne se déroule jamais comme nous l'avons imaginé. Ne serait-ce que par le simple fait que nous ne pouvons deviner les interventions de nos élèves.

Avec l'âge, un professeur pressent les réponses que l'on apportera à ses questions. Mais un professeur stagiaire ne peut le faire. Il doit donc improviser pour pouvoir recentrer le sujet ou pour répondre à une question qu'il n'attendait pas.

Qui n'a jamais eu dans sa carrière à répondre à des questions aussi diverses que:

"les abeilles dorment-elles ?", "les manchots ont-ils des oreilles?", ou encore "à quelle vitesse court le guépard ?"

Le professeur doit lors d'une séance de cours être particulièrement attentif pour ne pas être pris de court par les situations impromptues. Il peut ainsi intégrer le plus possible les interventions des élèves à la démarche pédagogique. Ceux-ci deviennent alors véritablement actifs au sein du cours.

Pour développer ses capacités à réagir vite et bien, le professeur peut travailler ses "réflexes créatifs" par des exercices d'improvisation. Il existe de nombreuses ligues d'improvisation amateur en France. En faire parti peut aider à enrichir cette facette de notre métier.

 

V - Les limites

1 - Limite de la voix.

Développer ses capacités vocales pour mieux se faire entendre est une chose; ne pas en abuser est une autre.

Je vous citerai simplement l'exemple de ce professeur qui, ayant eu de nombreux problèmes de voix, a suivi une rééducation auprès d'un phoniatre. Ravi des nouvelles possibilités qui s'offraient à lui, il a abusé de sa voix, la faisant varier sur tous les tons. Il a fini, en voulant trop bien faire par développer à nouveau un nodule sur ses cordes vocales. Il a fallu l'opérer comme avant la rééducation.

 

2 - Les limites de la gestuelle.

La plupart des gestes ont une signification précise, et même s'il est intéressant d'enrichir ce mode de communication, il est illusoire de vouloir tous les contrôler.

Tendre à cette extrémité pousserait le professeur à l'immobilité, celui-ci n'osant plus bouger de façon naturelle, ou au contraire à maniérer son discours exagérément.

Là encore, il convient de modérer son enthousiasme, car à vouloir trop bien faire, nous tomberions dans l'effet inverse.

 

3 - Limite de la théâtralisation du cours.

Le professeur, tout en développant son rôle, doit prendre garde à ne pas s'y enfermer. Nous connaissons des acteurs qui, à trop jouer leur personnage, ne savent plus s'en détacher.

Ainsi, Louis Jouvet nous cite l'exemple d'un acteur allemand qui ayant endossé le costume de Frédéric Le Grand, a brisé sa carrière en se réduisant à cet unique personnage.

De même le professeur ne doit pas se perdre dans sa propre image. Dans cet esprit, Mr Lauwarier m'a parlé d'un professeur de sa connaissance, qu'il a côtoyé lors de son cursus universitaire. Au laboratoire, il était d'une extrême rigueur. En cours, il était bien différent et jouait le rôle du professeur amusant. Il se laissait prendre à son propre piège et le cours se transformait en chahut. Voulant le déstabiliser, un jour, ils ont fait silence dans la salle. Ce jour là, le professeur n'a pas pu faire cours: il a tellement été surpris par ce calme, qu'il n'a pas su réagir.

Comme cet enseignant, si l'on joue de trop, si l'on se perd dans les effets de scène, on oublie le texte. Il ne faut, dans notre métier, jamais oublier l'auteur. Le professeur a un enseignement à assurer et la trame de l'action reste, quoi qu'il arrive, le référentiel.

 

CONCLUSION

 

 

 

 

 

 

L'ensemble de ma recherche montre qu'il est possible de développer et d'exploiter une nouvelle facette du métier d'enseignant, même s'il existe des limites à cette démarche. Elle ne peut résoudre ni les problèmes de pédagogie, ni les lacunes scientifiques.

Mais cependant, c'est lorsque le professeur maîtrise parfaitement sa situation d'acteur que les élèves peuvent à leur tour devenir acteurs au sein de la classe.
L'élève devient le réel moteur de la démarche du cours. En reproduisant les pratiques du professeur, il apprend à maîtriser correctement les paramètres indispensables d'une bonne communication:

- écouter les autres
- prendre la parole en public
- capter l'attention d'autrui
- s'exprimer clairement

L'élève apprend les bases de la vie en société. Le professeur devient le metteur en scène, ordonne les interventions et guide l'ensemble de cette troupe dans la progression.

C'est seulement si le professeur domine et parfait sa situation d'acteur qu'il peut initier ses élèves et les rendre à leur tour acteurs de leur projet d'orientation.

L'élève acteur de son projet d'orientation, au sein de l'établissement, voici un nouveau sujet intéressant , qui pourrait bien faire l'objet d'un autre mémoire...

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 


BIBLIOGRAPHIE

 

 

 

 

 

Jouvet ( L ) Réflexions du comédien Paris, librairie théâtrale
1952, 235p

 

Rondeleux ( L.J ) Trouver sa voix Paris, seuil

 

Marchal ( G ) connaissance du corps humain Paris,
édition Epigones
1986, 430p

 

Lorelle ( Y ) L'expression corporelle Belgique,
La renaissance du livre
146p

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 


ANNEXE 1

 

 

 

 

 

 

Questionnaire adressé à une population d'élèves de seconde

Echantillon: 34 élèves

 

Note aux élèves

Ce questionnaire est anonyme et vos réponses n'engagent en aucun cas votre cursus scolaire. Il permet au chercheur d'étayer son mémoire professionnel de l'avis des témoins privilégiés que vous êtes. Il est impératif de répondre à ce questionnaire, de la façon la plus honnête et la plus sérieuse possible. Dans le cas contraire, il serait tout à fait impossible d'en exploiter les réponses.

 

 

D'avance merci


ANNEXE 2

 

 

 

 

 

 

 

Questionnaire adressé à une population d'élèves de seconde

 

Question 1: Prêtez-vous attention à l'apparence de vos professeurs?

Question 2: Avez-vous déjà été gènés par la voix, la gestuelle... de l'un de vos professeur?

Question 3: Préférez-vous que le professeur se déplace dans la classe ou reste constamment à son bureau?

Question 4: Avez-vous déjà eu le sentiment que vous aviez des difficultés dans une matière parce que quelque chose dans la prestation de l'enseignant vous gênait?

Question 5: Avez-vous déjà eu le sentiment que vous aviez progressé dans une matière parce que la prestation, ou les capacités de communication du professeur étaient particulièrement bonnes?

Question 6: Comment vous rendez-vous compte qu'un professeur est un bon ou un mauvais communicateur, lors d'une situation concrète de cours?

Question 7: Quelles qualités doit avoir un enseignant?

Question 8: Vous rendez-vous compte rapidement qu'un professeur est malade, et de quelle façon?

 

 

 

REMARQUE: Vous pouvez détailler vos réponses

 

 

a - La prise de conscience du corps

Dans notre civilisation européenne, il s'est produit une étonnante séparation entre le corps et l'âme. Ne différencie - t - on pas le manuel de l'intellectuel ? Selon cette classification, le professeur est un intellectuel. Mais il est nécessaire de réassocier les deux composantes, physique et mentale, pour que la personnalité s'équilibre.

Il existe, pour cela, des exercices de relaxation efficaces.

La plus part se réalise allongé. Dans cette position, le cerveau prend mieux conscience du cops car il reçoit des messages nerveux de toute la partie dorsale, en contact avec le sol.

Vous allez penser qu'il n'est pas facile de pratiquer de tels exercices dans son établissement. Cependant, il arrive que l'administration mettent à la disposition des enseignants une salle de relaxation contiguë à celle des professeurs.

 

b - Le travail de la posture

L'enseignant est debout une grande partie de la journée. Sa posture doit être avant tout stabilisée. Là encore des exercices sont profitables. Je vous en cite un à titre d'exemple:

Debout, Je me place droit. Les deux pieds à plat sont légèrement écartés. Je me concentre sur le contacte avec le sol. Il est cause de mon réflexe de posture. J'imagine que le poids de mon corps descend dans mes jambes.

Cet exercice en plus de développer la stabilité extérieure, développe la stabilité intérieure. Celle-ci peut être une force d'intimidation très efficace, face à une classe difficile.

Certaines postures doivent absolument être évitées: toutes les postures qui tendent à fermer la cage thoracique. Par exemple, celle qui consiste à prendre appui sur le bureau avec les mains, et en voutant le dos.
Cette position est schématisée ci - dessous:

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Elle a pour conséquence de couper le souffle. La cage thoracique est bloquée en position fermée par les épaules qui sont placées vers l'avant.

Moi - même, avant d'enseigner, ma posture était voutée. J'ai pris cette mauvaise habitude en étudiant. C'est la position classique de l'élève penché sur son travail. J'ai remarqué qu'inconsciemment, en un à deux mois de professorat je m'était redressée, sans doute pour dégager ma cage thoracique.


c - Les membres supérieurs

Nous l'avons vu dans les témoignages, il arrive que des gestes trahissent l'état émotionnel de l'exécutant. Les plus courants sont les démonstrations de nervosité ou d'énervement.

Même si le discours est posé et clair, l'élève est tout à fait capable de les interpréter. Cela sera sans suite dans une classe calme. Mais face à un élève difficile, ils peuvent être utilisés à notre désavantage. L'élève perçoit ce que nous ne voulons pas lui dire . Il peut s'en servir pour trouver la faille menant à une situation de crise.

Ainsi, Yves Lorelle dit "le geste manuel est la parole sans le verbe."

Les autres gestes les plus exposés, dans notre société, sont ceux associés aux fonctions organiques.

Il existe également des gestes symboliques du théâtre burlesque, comme tourner sur un pied par exemple, à éviter en classe.

Pour mieux contrôler son expression gestuelle en générale, il existe le mime. Sa pratique permet de prendre conscience de l'importance de chaque mouvement, et des connotations qu'il peut avoir.

 

 

Tous les mouvements du corps font donc partie d'un langage à part entière. Le théâtre, et de manière plus exclusive le mime, l'emploient très couramment.

On peut associer à beaucoup de gestes une idée précise:

Si en situation de crise, je m'avance vers l'élève,il traduit cela comme une attaque et réagit violemment. Mais si je mets ma main sur son épaule (geste symbolique de protection),il est rassuré et se calme.

Dans la même situation, un recul est traduit comme une fuite.

Chaque geste, fait inconsciemment, est interprèté par nos interlocuteurs. Il est illusoire de penser contrôler toutes nos expressions corporelles. Mais y prêter plus d'attention, et réintégrer notre corps comme un véritable outil de communication, peut nous offrir de nouvelles possibilités.


III - Propositions sur la gestion de l'espace

Avant de commencer tout exposé, il est utile de délimiter la scène à l'intérieur de la classe. Rapidement vient à l'esprit, l'agencement de la classe. Le bureau est encore très souvent placé sur l'estrade. Les élèves sont devant. En comparant cette salle à celle d'un théâtre, nous logeons le public à la place des élèves, le bureau et l'espace l'entourant représente la scène. Professeur et élèves sont séparés par le célèbre 4ème mur.

Pour ceux qui ne le connaissent pas, ce mur permet de représenter une pièce comme si son action avait lieu réellement. Le spectateur a l'impression d'y assister par indiscrétion. L'acteur n'a plus à faire agir son personnage qu'afin de mettre le public en position de voyeur. L'existence de cette paroi fictive a pour conséquence de séparer l'espace en deux sous-ensembles: la scène et la salle.

La création de ce 4ème mur est très récente. Au siècle des lumières, époque du "théâtre libre", il n'existait pas. Jean-Jacques Rousseau invitait même les spectateurs à intervenir, lors de ses représentations, et les acteurs à leur répondre. C'est le comte de Lauraguais qui, le premier, libéra la scène. Il existe donc une deuxième image de la salle de théâtre, où les rapports public - acteurs sont libres de toute contrainte.

Ainsi la classe va osciller entre ces deux situations, suivant les activités des élèves.

Lorsque le professeur "fait cours", qu'il explique une partie plus théorique, qu'il donne des définitions, il est préférable qu'il soit face à tous ses élèves. Cette place lui permet de capter l'attention de tous.

Dans un souci de gestion de l'espace, le professeur peut prendre la liberté de modifier l'agencement des tables. La meilleure organisation est celle de l'amphithéâtre grec. D'où certaines classes rangées en "u".

S'il écrit au tableau, il doit en tenir compte et ne doit pas faire dos à la classe de façon prolongée car sa voix est masquée.

Lorsque les élèves sont en recherche active, ou en travaux pratiques, les demandes sont différentes selon les groupes. Pour y répondre plus efficacement, il est préférable de se déplacer pour aider un groupe sans gêner la réflexion des autres. Le professeur surveille mieux le travail des éléments démotivés. De même, si une difficulté apparaît,il la perçoit beaucoup plus rapidement.

Dans une classe de 34 élèves, du bureau, l'enseignant ne peut pas voir toute la classe. Certains sont toujours cachés par d'autres. Pour poser des questions, il peut se déplacer un peu pour changer d'angle de vue. Le professeur voit enfin (en plusieurs étapes) tous ses élèves.

Si l'enseignant envoie un élève au tableau, celui-ci prend le relais. L'enseignant vient parmi le public, pour mieux juger de l'intervention. Il peut demander de parler plus fort ou de s'écarter du tableau, si c' est nécessaire.

Le professeur gérant mieux ses déplacements, prête plus d'attention à ceux de ses élèves. Par exemple, il pensera plus facilement à répartir le matériel.

 

Ainsi la gestion de l'espace doit varier tout au long d'une séance de cours pour s'adapter à toutes les conditions. Il y a dynamisation du rapport professeur - élèves. le professeur gère les situations sur ce modèle de façon instinctive. S'il en prend conscience, il peut parfaire sa pratique pour le bénéfice de tous.

 

IV - La théâtralisation du cours

1 - Le public

Lorsque l'heure du cours sonne, les élèves entrent en position d'attente. Ils attendent que l'on vienne les chercher, que la classe fermée s'ouvre ou que le professeur entre dans la salle.

C'est la même attente avant le début d'une pièce. Le public impatient guette le moindre indice, le moindre mouvement du rideau. Bien souvent, comédiens et metteur en scène, de l'autre côté, viennent les entr'apercevoir pour connaître "l'ambiance du soir". En quelques secondes, ils devinent si les spectateurs sont heureux ou fatigués; si tel événement, telle information, les a ravis ou scandalisés. Parfois ils se demandent: " Mais qu' ont-ils ce soir ?". Puis apprennent que telle personnalité est dans la salle.

Ainsi, l'entrée en scène ne se fera pas de la même manière. Il est connu que Gérard Philipe, qui était adulé des jeunes générations, prenait toujours garde au public. Quand les adolescents étaient nombreux, il s'efforçait de rentrer de façon à ce qu'ils ne puissent applaudir, ce qui aurait coupé le spectacle.

Nous pouvons aussi apprendre beaucoup des états de nos élèves pendant cet avant - cours. S'ils sont fatigués, la progression pourra être ralentie et les temps de réflexions allongés, pour permettre d'assimiler malgré tout. S'ils sont énervés, nous pouvons être plus vigilants sur la discipline.

L'attitude du professeur peut ainsi s'adapter aux potentialités des élèves pour tirer le meilleur d'eux-mêmes, quelles que soient les conditions.

 

2 - L'image du professeur

Quand le professeur entre dans la classe, il doit être opérationnel. Alors que nous ne sommes pas encore installés, les élèves viennent déjà à notre rencontre: " Madame, vous nous rendez le devoir aujourd'hui ?" ; "Madame, j'ai oublié mon cahier ". Il faut tout de suite assurer son rôle et faire jouer le personnage.

Pour se préparer, un exercice d'acteur est réapplicable. C'est l'exercice de mobilisation. il se déroule en quatre temps.

 

Premier temps: La prise en main

C'est le moment où l'on prend en considération la situation. Il faut faire abstraction des autres idées et des soucis pou ne plus penser qu'à faire cours.

 

Deuxième temps: L'engagement

C'est le temps où l'on rentre en situation. Celle-ci n'est plus extérieure. De passifs, nous sommes disposés à devenir actifs, à prendre part.

 

Troisième temps: La concentration

C'est la prise de contact avec toutes nos potentialités. Ce temps permet d'obtenir le stress suffisant pour être prêts à réagir vite et bien face à l'imprévisible. C'est la mobilisation de toutes nos capacités.

 

Quatrième temps: L'éveil

C'est le dernier temps. Il nous permet de nous ouvrir à la classe, à ses demandes, à ses attentes. Nous pouvons sortir de la fermeture d'esprit, du repliement qu'est la concentration. C'est le moment où débute réellement la classe.

Il est utile de délimiter des barrières spatiales de ces changements d'état d'esprit. Il y a matérialisation physique des différents passages psychologiques. Ainsi la prise en main peut se faire quand nous franchissons la porte de l'établissement, l'engagement lorsque nous rentrons dans le laboratoire. La concentration se réalise en s'installant au bureau et l'éveil au moment où nous le quittons pour aller au devant des élèves.

Si l'une des étapes n'est pas réalisée, la classe peut être perturbée.

- S'il n'y a pas de prise en main, des préoccupations peuvent nous déconcentrer. L'efficacité diminue.

- Si l'engagement ou l'éveil ne se font pas, il peut y avoir difficulté à entrer en contact avec les élèves, soit en restant spectateur de la situation, soit en étant trop centré sur soi pour percevoir les difficultés.

- Si la concentration ne se fait pas, il peut y avoir lenteur ou inadéquation des réactions aux éléments imprévisibles.

De petits détails peuvent aussi avoir leur importance pour aider à entrer dans le personnage. Pour certains, cela peut être la blouse blanche par exemple. Le moment de l'appel est aussi important. En plus d'être un acte administratif incontournable, c'est la prise en main réelle de la classe par l'enseignant. L'élève est mobilisé. Nous pouvons nouer un bref contact visuel, individualisé avec lui. Pendant ce court instant, il y a reconnaissance des positions sociales de part et d'autre.

Le professeur est maintenant réellement présent dans sa classe, il peut commencer son cours.

 

3 - L'effet de scène

Pendant le cours, il arrive, malgré notre dynamisme, que l'attention des élèves diminue. Soit parce qu'ils sont fatigués, ou parce que la partie du cours travaillée est plus ardue. Il est nécessaire de remotiver les élèves et de relancer leur attention.

L'élève habitué au rythme de la progression du cours, doit d'abord être mis dans une impasse. Nous pouvons le laisser choisir une hypothèse fausse que l'expérience imaginée infirmera. Nous pouvons également lui poser une question à laquelle nous doutons fortement qu'il ait la réponse. Le rythme du cours est interrompu et l'élève réagit: il reste interloqué puis rapidement s'interroge,c'est à dire qu'il repasse en position de recherche active.

Nous pouvons aussi, comme au théâtre, provoquer l'événement. En suivant les conseils de mon tuteur, j'ai cherché à créer des effets de scène. Je peux vous en citer un.

En étudiant la porosité, je cherchais à faire comprendre l'importance du diamètre des pores dans le développement des forces capillaires. Je leur ai demandé "Pourquoi une partie de l'eau du sol s'écoulait et que l'autre était retenue ?". Après quelques tentatives, ils ont compris qu'ils n'avaient pas la réponse. Pour les mettre sur la voie, j'ai "inventé une expérience avec les moyens du bord". Me voyant "bricoler en amateur" comme ils auraient pu le faire chez eux, j'ai vu trente quatre paires d'yeux se river sur mes moindres gestes.

Inutile de vous dire que l'expérience était prévue et que "les moyens du bord" étaient tout à fait adéquats. Mais cela ils ne l'ont pas vu!

Par la suite, l'attention des élèves étant retrouvée, le travail fourni fut très efficace malgré l'heure tardive.

J'essaie de prévoir des effets de scène de ce type pour redynamiser la classe. Ces situations sont, en fait, directement issues du théâtre. Les utiliser quelques fois dans la classe peut se révéler très bénéfique.

 

4 - La gestion de l'imprévisible.

Nous l'avons constaté en développant notre expérience d'enseignant, un cours ne se déroule jamais comme nous l'avons imaginé. Ne serait-ce que par le simple fait que nous ne pouvons deviner les interventions de nos élèves.

Avec l'âge, un professeur pressent les réponses que l'on apportera à ses questions. Mais un professeur stagiaire ne peut le faire. Il doit donc improviser pour pouvoir recentrer le sujet ou pour répondre à une question qu'il n'attendait pas.

Qui n'a jamais eu dans sa carrière à répondre à des questions aussi diverses que:

"les abeilles dorment-elles ?", "les manchots ont-ils des oreilles?", ou encore "à quelle vitesse court le guépard ?"

Le professeur doit lors d'une séance de cours être particulièrement attentif pour ne pas être pris de court par les situations impromptues. Il peut ainsi intégrer le plus possible les interventions des élèves à la démarche pédagogique. Ceux-ci deviennent alors véritablement actifs au sein du cours.

Pour développer ses capacités à réagir vite et bien, le professeur peut travailler ses "réflexes créatifs" par des exercices d'improvisation. Il existe de nombreuses ligues d'improvisation amateur en France. En faire parti peut aider à enrichir cette facette de notre métier.

 

V - Les limites

1 - Limite de la voix.

Développer ses capacités vocales pour mieux se faire entendre est une chose; ne pas en abuser est une autre.

Je vous citerai simplement l'exemple de ce professeur qui, ayant eu de nombreux problèmes de voix, a suivi une rééducation auprès d'un phoniatre. Ravi des nouvelles possibilités qui s'offraient à lui, il a abusé de sa voix, la faisant varier sur tous les tons. Il a fini, en voulant trop bien faire par développer à nouveau un nodule sur ses cordes vocales. Il a fallu l'opérer comme avant la rééducation.

 

2 - Les limites de la gestuelle.

La plupart des gestes ont une signification précise, et même s'il est intéressant d'enrichir ce mode de communication, il est illusoire de vouloir tous les contrôler.

Tendre à cette extrémité pousserait le professeur à l'immobilité, celui-ci n'osant plus bouger de façon naturelle, ou au contraire à maniérer son discours exagérément.

Là encore, il convient de modérer son enthousiasme, car à vouloir trop bien faire, nous tomberions dans l'effet inverse.

 

3 - Limite de la théâtralisation du cours.

Le professeur, tout en développant son rôle, doit prendre garde à ne pas s'y enfermer. Nous connaissons des acteurs qui, à trop jouer leur personnage, ne savent plus s'en détacher.

Ainsi, Louis Jouvet nous cite l'exemple d'un acteur allemand qui ayant endossé le costume de Frédéric Le Grand, a brisé sa carrière en se réduisant à cet unique personnage.

De même le professeur ne doit pas se perdre dans sa propre image. Dans cet esprit, Mr Lauwarier m'a parlé d'un professeur de sa connaissance, qu'il a côtoyé lors de son cursus universitaire. Au laboratoire, il était d'une extrême rigueur. En cours, il était bien différent et jouait le rôle du professeur amusant. Il se laissait prendre à son propre piège et le cours se transformait en chahut. Voulant le déstabiliser, un jour, ils ont fait silence dans la salle. Ce jour là, le professeur n'a pas pu faire cours: il a tellement été surpris par ce calme, qu'il n'a pas su réagir.

Comme cet enseignant, si l'on joue de trop, si l'on se perd dans les effets de scène, on oublie le texte. Il ne faut, dans notre métier, jamais oublier l'auteur. Le professeur a un enseignement à assurer et la trame de l'action reste, quoi qu'il arrive, le référentiel.

 

CONCLUSION

 

 

 

 

 

 

L'ensemble de ma recherche montre qu'il est possible de développer et d'exploiter une nouvelle facette du métier d'enseignant, même s'il existe des limites à cette démarche. Elle ne peut résoudre ni les problèmes de pédagogie, ni les lacunes scientifiques.

Mais cependant, c'est lorsque le professeur maîtrise parfaitement sa situation d'acteur que les élèves peuvent à leur tour devenir acteurs au sein de la classe.
L'élève devient le réel moteur de la démarche du cours. En reproduisant les pratiques du professeur, il apprend à maîtriser correctement les paramètres indispensables d'une bonne communication:

- écouter les autres
- prendre la parole en public
- capter l'attention d'autrui
- s'exprimer clairement

L'élève apprend les bases de la vie en société. Le professeur devient le metteur en scène, ordonne les interventions et guide l'ensemble de cette troupe dans la progression.

C'est seulement si le professeur domine et parfait sa situation d'acteur qu'il peut initier ses élèves et les rendre à leur tour acteurs de leur projet d'orientation.

L'élève acteur de son projet d'orientation, au sein de l'établissement, voici un nouveau sujet intéressant , qui pourrait bien faire l'objet d'un autre mémoire...

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 


BIBLIOGRAPHIE

 

 

 

 

 

Jouvet ( L ) Réflexions du comédien Paris, librairie théâtrale
1952, 235p

 

Rondeleux ( L.J ) Trouver sa voix Paris, seuil

 

Marchal ( G ) connaissance du corps humain Paris,
édition Epigones
1986, 430p

 

Lorelle ( Y ) L'expression corporelle Belgique,
La renaissance du livre
146p

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 


ANNEXE 1

 

 

 

 

 

 

Questionnaire adressé à une population d'élèves de seconde

Echantillon: 34 élèves

 

Note aux élèves

Ce questionnaire est anonyme et vos réponses n'engagent en aucun cas votre cursus scolaire. Il permet au chercheur d'étayer son mémoire professionnel de l'avis des témoins privilégiés que vous êtes. Il est impératif de répondre à ce questionnaire, de la façon la plus honnête et la plus sérieuse possible. Dans le cas contraire, il serait tout à fait impossible d'en exploiter les réponses.

 

 

D'avance merci


ANNEXE 2

 

 

 

 

 

 

 

Questionnaire adressé à une population d'élèves de seconde

 

Question 1: Prêtez-vous attention à l'apparence de vos professeurs?

Question 2: Avez-vous déjà été gènés par la voix, la gestuelle... de l'un de vos professeur?

Question 3: Préférez-vous que le professeur se déplace dans la classe ou reste constamment à son bureau?

Question 4: Avez-vous déjà eu le sentiment que vous aviez des difficultés dans une matière parce que quelque chose dans la prestation de l'enseignant vous gênait?

Question 5: Avez-vous déjà eu le sentiment que vous aviez progressé dans une matière parce que la prestation, ou les capacités de communication du professeur étaient particulièrement bonnes?

Question 6: Comment vous rendez-vous compte qu'un professeur est un bon ou un mauvais communicateur, lors d'une situation concrète de cours?

Question 7: Quelles qualités doit avoir un enseignant?

Question 8: Vous rendez-vous compte rapidement qu'un professeur est malade, et de quelle façon?

 

 

 

REMARQUE: Vous pouvez détailler vos réponses